Troubles du goût chez les sujets âgés

L’altération du sens du goût et de l’odorat est associée à la diminution (par atrophie) du nombre de papilles gustatives et à la baisse de leur efficacité. D’autres facteurs peuvent intervenir : diminution de la sécrétion salivaire, prise de médicaments, hygiène buccale inadéquate et déficiences en vitamines.

On observe, à partir de 65 ans, une diminution fréquente :
-de l’appétit : la satiété s’installe souvent plus rapidement et du goût, du fait de la diminution du nombre de bourgeons gustatifs dans la bouche
-de l’odorat : les altérations de la perception débutent à 20 ans chez l’homme et seulement à 40/50 ans chez la femme.
Ces modifications s’installent lentement et insidieusement. Elles peuvent conduire à l’anorexie chez une personne très âgée et donc à une dénutrition. Elles s’installent plus facilement chez une personne sédentaire et solitaire dont la dentition est mal entretenue.
Avec l’âge, les glandes salivaires s’atrophient, donnant une bouche sèche, un goût métallique dans la bouche. Il en découle une sélection alimentaire : la personne âgée va laisser de côté tout ce qui est riche en résidus et en vitamines et choisir les aliments riches en amidon, les desserts ce qui influe sur la fonction gastro-intestinale. La diminution de la perception du goût salé incite les personnes âgées à saler davantage. L’excès de sel est un facteur d’aggravation de l’hypertension artérielle.

Les troubles du goût chez les sujets âgés sont de deux types :
– Les hypogueusies et agueusies ou les hypergueusies plus rarement sont quantifiables par la gustométrie. En général on observe la disparition du goût salé puis du goût sucré ; l’amer persiste.
-Les pantogueusies, ou hallucinations gustatives sans stimulus sapide, sont des saveurs métalliques ou acides.
Souvent associées à des troubles olfactifs et aux paresthésies buccales, elles pourraient être de nature psychogénique elles aussi. La pathogénie de ces troubles paraît complexe.

Les hypogueusies et agueusies résultent de divers facteurs :
– la réduction des récepteurs de goût, de 10 000 environ chez les sujets jeunes (8 000 linguaux, 2 000 extralinguaux) à quelques centaines chez le vieillard.

– la carence en folates et l’anémie sidéropénique responsables de dépapillation linguale ;
– l’hyposialie spontanée (dépression, lésion du plancher du quatrième ventricule) ou médicamenteuse, qui entrave la dissolution des aliments par la salive et par conséquent leur gustation ;
– l’acidité buccale du vieillissement qui perturbe aussi la gustation des aliments sapides ;
– les carences en Ni, Zn et Cu, qui seraient plus fréquentes chez les personnes âgées, déterminent des troubles de l’ouverture des pores gustatifs ;
– enfin, les pantogueusies paraissent favorisées par les déséquilibres estroprogestatifs de la ménopause.

Le goût peut être altéré par le port d’une prothèse ce qui nécessite une période d’adaptation. En effet, les messages envoyés par les papilles gustatives au cerveau sont “court-circuités” par la présence de la prothèse. Une fois la période d’adaptation terminée, le cerveau portera plus attention aux papilles gustatives et moins à la prothèse.

Différents médicaments peuvent également être responsables de troubles du goût souvent en modifiant l’humidité de la bouche parmi lesquels :

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) :
Parmi les médicaments antihypertenseurs, c’est avec les IEC que des troubles du goût ont été le plus souvent rapportés.
– Avec le captopril , des agueusies, dysgueusies ont été rapportées. Il existe un effet dose puisque les effets indésirables sont rapportés chez 1 à 3 % des patients traités à une posologie inférieure à 150 mg par jour, pour s’élever à 6 voire 10 % des patients traités par une posologie supérieure à 150 mg par jour.
L’existence d’une insuffisance rénale pourrait constituer un facteur favorisant ; par ailleurs, une prédominance féminine a été constatée dans certaines études.
Le trouble gustatif apparaît classiquement au cours du premier mois de traitement, mais peut également survenir au-delà du troisième, voire du sixième mois. Les symptômes cèdent en général en 10 à 14 jours après arrêt du traitement. Cependant, certains auteurs ont rapporté une persistance de l’effet plus de 6 mois après l’arrêt du traitement.

Comme d’autres peptidases, l’enzyme de conversion de l’angiotensine est une métallo-protéase, enzyme zinc-dépendante. Les IEC agissent en complexant le site zinc actif. Les troubles du goût sous IEC pourraient être expliqués, soit par la chélation de zinc nécessaire à la synthèse de protéine, soit par la chélation de zinc au niveau de récepteurs actifs du goût, également zinc-dépendants (6). L’hypothèse d’une chélation du zinc a été largement discutée, mais pour certains patients, une supplémentation en zinc s’est révélée inefficace. D’autres hypothèses ont alors été proposées : carence en sélénium, lésions buccales infra-cliniques, perturbation du système second-messager de la cellule gustative …

Inhibiteurs calciques et autres médicaments en cardiologie
D’autres inhibiteurs calciques tels que l’amlodipine ou les bêtabloquants sont également cités, mais leur rôle est difficile à évaluer en raison d’une association fréquente à des médicaments classiquement pourvoyeurs de troubles gustatifs tels que les IEC.

– Parmi les autres médicaments du système cardiovasculaire, les antiarythmiques telle que l’amiodarone, les anticoagulants anti-vitamines K, les héparines et la molsidomine, seraient également à l’origine de troubles du goût.
Des cas ont aussi été publiés avec les sartans notamment le losartan (7).

Les D-pénicillamine
Des agueusies partielles ou totales, des hypogueusies et des dysgueusies métalliques ont été rapportées.
Elles apparaissent en général au cours des 6 premières semaines de traitement. L’évolution est généralement favorable en 2 à 6 mois, que le traitement soit arrêté ou non.

Les Antithyroïdiens de synthèse
Les troubles du goût (dysgueusie, agueusie) constituent un effet indésirable rare mais bien établi de plusieurs antithyroïdiens de synthèse (9-10) dont le carbimazole et le propylthiouracile. Le trouble gustatif survient dans un délai moyen de 5 semaines. Des sensations de brûlures buccales peuvent s’y associer. L’évolution est généralement favorable à l’arrêt du traitement, dans un délai variable de 10 jours à 10 semaines.

Par ailleurs, des troubles du goût ont été observés chez des patients avec hypothyroïdie primaire sans aucun traitement (11).

Autres médicaments
D’autres médicaments peuvent être cités :
– la zopiclone, à l’origine d’un goût amer à distance de la prise orale,
– certains antidépresseurs : fluoxétine, lithium,
– les antimigraineux : élétriptan,
– certains anti-infectieux à l’origine de dysgueusies : métronidazole, clarithromycine, foscarnet, zalcitabine, indinavir, ritonavir, voriconazole, kétoconazole, fluoroquinolones.

Procédure en cas de trouble du goût :
-A l’interrogatoire, définition du trouble.
-Recherche des antécédents et facteurs déclenchants (antécédents otologiques médicaux et chirurgicaux, antécédents psychiatriques, traumatismes, antécédents de radiothérapie sur le pharyngolarynx).
-Examen clinique.
-Examens complémentaires.

Les apports en potassium peuvent influencer le goût et augmenter l’envie de manger. Or avec l’âge, le goût s’altère en commençant par le goût salé, amer, acide et enfin le goût sucré.
La consommation d’aliments riches en potassium peut dans certain cas améliorer le goût. Le potassium se trouve dans les végétaux comme dans le cerfeuil, persil, épinard, ail mais également dans les fruits comme les abricots secs, bananes, dattes, figues séchées et pistaches.
Un manque de potassium diminue la palatabilité, les caractéristiques agréables des aliments. Ce peut être une des raisons du manque d’appétit. Cela ne peut, en tout cas, que l’augmenter.
Ce manque se produit lorsque l’alimentation n’est pas assez riche en fruits et en légumes. Ce qui va souvent de pair avec la constipation
La dysgueusie semble également liée à une déficience en cuivre ou en zinc. Dans certaines études, une supplémentation en zinc chez les patients ayant de faibles concentrations plasmatiques en zinc a permis de recouvrer le goût.

Références bibliographiques :
1. Le Manuel Merck, 3ème édition, 1999, MH Beers, R Berkow.
2. Ratrema M, Guy C, Nelva A, Benedetti C, Beyens MN, Grasset L, Ollagnier M. Troubles du goût d’origine médicamenteuse : analyse de la banque nationale de pharmacovigilance et revue de la littérature. Thérapie 2001 ; 56 : 41-50.
3. Henkin RI. Drug-induced taste and smell disorders. Incidence, mechanisms and management related primarily to treatment of sensory receptor dysfunction. Drug Saf 1994 ; 11 (5) : 318-77.
4. Ackerman BH, Kasbekar N. Disturbances of taste and smell induced by drugs. Pharmacotherapy 1997 ; 17 (3) : 482-96.
5. Henkin RI, Schecter PJ, Friedewald WT, Demets DL, Raff M. A double blind study of the effect of zinc sulfate on taste and smell dysfunction. Am J Med Sci 1976 ; 272 (3) : 285-99.
6. Abu-Hamdan DK, Desai H, Sondheimer J, Felicetta J, Mahajan J, McDonald F. Taste acuity and zinc metabolism in captopril-treated hypertensive male patients. Am J Hypertens 1988 ; 1 (3) : 303S-308S.
7. Heeringa M, Puijenbroek EP. Reversible dysgueusia attributed to losartan. Ann Intern Med 1998 ; 129 (1) : 72.
8. Meyler’s side effects of drugs. 14th edition, 2000, MNG Dukes, JK Aronson.
9. Emy P et coll. Agueusie due aux antithyroïdiens de synthèse : étude de la physiopathologie et traitement par le sulfate de zinc. Une observation. Rev Fr Endocrinol Clin 1988 ; 26 : 251-255.
10. Tauveron I et Thieblot P. Régression d’une dysgueusie au propylthiouracile avec traitement par le zinc. Thérapie 1991 ; 46 : 410.
11. McConnell RJ, Menendez CE, Smith FR, Henkin RI, Rivlin RS. Defects of taste and smell in patients with hypothyroidism. Am J Med 1975 ; 59 (3) : 354-64.
12 EMC “Stomatologie Gériatrique” de P Laudenbach : Stomatologiste honoraire des hôpitaux de Paris, Centre hospitalier de Bicêtre France