Prescription d’antibiotiques et résistances bactériennes

Une étude belge conduite chez des volontaires fournit une preuve directe que l’administration d’un traitement même court par antibiotique induit l’apparition de résistances bactériennes. La résistance aux antibiotiques est devenue un problème majeur et il est globalement reconnu qu’elle est liée à l’utilisation des antibiotiques, d’où le développement des campagnes prônant une utilisation à bon escient de ces spéciaités. Mais, s’il existe des preuves directes chez l’animal, jusqu’ici chez l’homme, les preuves provenaient d’études de population et montraient “une association et pas nécessairement un lien causal”, rappelle Stephanie Dancer du Southern General Hospital de Glasgow dans un éditorial paru dans le dernier numéro du “Lancet”. Cette nouvelle étude, conduite par Surbhi Malhotra-Kumar et ses collègues de l’université d’Anvers, apporte donc un élément supplémentaire en fournissant chez l’homme une preuve directe du lien entre la consommation d’antibiotiques et l’apparition de résistances bactériennes.

Leur analyse a porté sur les macrolides, antibiotiques très utilisés dans les infections respiratoires et pour lesquels le niveau de résistance dans la population est important. Ils ont randomisé 224 volontaires sains entre des traitements par azithromycine à 500 mg/j durant trois jours, clarithromycine à 500 mg deux fois/j durant sept jours, et un placebo. La résistance aux macrolides a été étudiée dans les streptocoques commensaux présents dans des prélèvements pharyngés effectués chez les volontaires avant et à différents moments après le traitement. Les deux médicaments ont été associés à l’induction d’un taux élevé de résistance aux macrolides chez les streptocoques du pharynx, le taux de résistance maximal étant observé à la fin du traitement, c’est-à-dire au quatrième jour pour le premier antibiotique et au huitième pour le second. Ainsi, la proportion d’échantillons pharyngés présentant une résistance bactérienne aux macrolides est passée de 25 à 30% avant le traitement à plus de 80% à la fin du traitement et ce, avec les deux antibiotiques testés. Ce niveau de résistance a ensuite diminué progressivement dans les deux groupes traités, mais montrait toujours à 180 jours un excès de résistance d’environ 15% par rapport à la situation initiale, ce qui suggère que la flore commensale “pourrait servir de réservoir de résistance pour des bactéries potentiellement pathogènes”, estiment les auteurs. Les chercheurs belges, qui ont par ailleurs montré une différence dans les mécanismes de résistance induits par les deux médicaments, estiment avoir “clairement décrit, à un niveau individuel, l’effet direct de l’utilisation d’antibiotiques dans la sélection d’organismes résistants”. “Les médecins prescrivant des antibiotiques devraient prendre en compte cet important effet secondaire écologique de ce type d’antibiotiques”, concluent-ils