Pour une pulpotomie réussie…

La pulpotomie est une intervention qui consiste à amputer la pulpe sous anesthésie puis à coiffer le moignon pulpaire. Elle fut décrite la première fois par André MARMASSE : chirurgien-dentiste français (1896-1979) (Dictionnaire de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire)
C’est une intervention qui se pratique sur des temporaires ou des dents jeunes avant la fin de l’apexogénèse (le développement et la formation physiologique de l’extrémité radiculaire, radiologiquement contrôlable.)
Elle a aussi pour but d’accroître au maximum la conservation en bouche, de dents temporaires abîmées, ceci afin de ne pas perturber le cycle d’érruption des dents permanentes par une extraction prématurée.

I RAPPELS

Les examens, les tests et l’anamnèse préalables à une éventuelle pulpotomie devront nous amener à connaître aussi bien l’historique de la dent que son stade d’édification radiculaire, et devront nous amener à évaluer approximativement pour cette dent le temps restant en bouche. On pratiquera au préalable les tests de vitalité, de percussion, un examen de la mobilité dentaire etc…

Indications
-inflammation de la pulpe camérale
-délabrement coronaire important nécessitant la pose d’une couronne pédiatrique
-effraction accidentelle de la chambre pulpaire impossible à récupérer par coiffage direct.

Contre indications
o Contre indications cliniques :
– risque aggravation de l’état général du malade
– douleurs chroniques spontanées
– sensibilité à la percussion
– mobilité dentaire
– fistule
– tuméfaction gingivale

o Contre indications radiologiques :
– épaississement de la lamina dura
– atteinte du périapex
– résorption interne
– atteinte des furcations
– dent sur le point d’être exfoliée.

L’exposition des tissus pulpaire de la dent temporaire à la carie dentaire est fréquente. C’est pourquoi les traitement de pulpotomie et pulpectpomie dont partie intégrante de la dentisterie pédiatrique. Le problème est de déterminer quel produit placer dans la chambre pulpaire et sur la partie coronaire du canal radiculaire pour s’assurer du succès du traitement à long terme.

La pulpe peut guérir d’elle même si aucune bactérie ou aucun résidus bactériens n’est présent. Kakehashi et ses collègues ont effectué des pulpotomie sur des rats gnothobiotiques dans un environnement exempt de germes. Même lorsque des débris alimentaires étaient présents sur le site de la pulpotomie, un pont dentinaire se forma et la pulpe guérit. Des pulpes exposées à la carie traitée cliniquement sont soumises à des bactéries ou des résidus bactériens présents dans la chambre pulpaire. C’est pourquoi des médicaments bactéricides doivent être utilisés pour s’assurer du succès du traitement par pulpotomie. Si le médicament que l’on insère dans la pulpe peut éliminer les bactéries et isoler la dent de l’environnement oral, il est envisageable de penser que la dent peut être guérit. Plusieurs médicaments ont été testés avec des succès divers (20-25)

II LES PRODUITS UTILISES

1/ LE FORMOCRESOL ET SES EFFETS
Le médicament de choix depuis plusieurs années a été le formocresol. Le formocresol est bactéricide à une concentration de 1.5% lorsqu’il est en contact pendant 2 minutes avec des bactéries et des espèces de champignons. (26)
Berger (20) a effectué des pulpotomie sur des molaires temporaires en utilisant du formocresol. Au bout de 3 semaines, il trouva des débris superficiel au niveau du site amputatoire sous la forme d’une couche comprimée avec des formes cellulaire précises. Dans le tiers moyen du canal radiculaire, il trouva des débris de coagulation nécrosés et dans la portion apicale du canal, il y a avait des débris tardifs de coagulation eux aussi nécrosés jusqu’au foramen. Au bout de 7 semaines, le 1/3 coronal et le 1/3 médian du canal étaient les même qu’à la 3ème semaine. Mais le tiers apical montra une croissance de tissus de granulation au niveau du foramen apical. Les spécimens examinés après une période de temps plus tardive montrèrent la même chose excepté le fait que le tissu de granulation apparaissant dans les tiers moyens et coronaux du canal. Magnusson (21) a effectué des pulpotomies au formocresol sur 110 racines de 56 prémolaires. Entre 6 et 30 mois après les pulpotomie, on ne constata histologiquement aucune guérison de la pulpe au niveau des racines. 16 racines(- 15 %) étaient nécrosées ; 89 racines (81%) subissaient une résorption interne et 13 racines (12 %) montraient des signes d’infiltration légère et des inflammations cellulaires. De plus, le formocresol put être trouvé systématiquement à la suite du traitement pulpaire que ce soit dans le sang, les urines, les poumons, le foie, et les tissus de rein (27 28)

A cause de ces effets, d’autres médicaments on dut être utilisés comme alternative au formocresol, avec plus ou moins de succès. Le Glutaraldéhyde eut les mêmes effets histologiquement parlant au niveau de la réaction pulpaire et des effets résiduels. (22 29)
Le sulfate ferrique a aussi été utilisé dans les pulpotomies avec un bon taux de réussite clinique. (23 24). On peut aussi ajouter à cette liste de médicaments utilisés pour les pulpotomies, l’Hydroxyde de Calcium et l’Oxyde de Zinc Eugénol lesquels furent l’objet d’une discussion préalable. Mais jamais l’Hydroxyde de Calcium ou le Z.O.E n’entraîna un succès pour les pulpotomies des dents temporaires.

2/ LE FORMALDEHYDE
Le formocresol est toujours considéré comme le médicament de choix pour les traitements pulpaires de dents temporaires. Cliniquement le taux de succès est supérieur à 90 % (31, 32) même si histologiquement les résultats sont inférieurs et variables (33).
Le Formaldéhyde est vendu dans le commerce sous le nom d’Osomol TM4 chez «Pierre Rolland».C’est est une solution de Formaldéhyde à 35%. Après éviction de la pulpe camérale et nettoyage de la chambre pulpaire, on y place une boulette de coton imprégnée de produit sans excès après, puis on obture avec un ciment provisoire de façon bien hermétique. Le pansement ne devra pas être compressif afin de ne pas entraîner un refoulement du produit vers le périapex. Les phénols peuvent provoquer un éventuel surcroît d’inflammation péri-apicale et des desmodontites. Et on laisser en place 3 à 5 jours.
Il a été démontré qu’il était possible de l’utiliser sous une forme diluée (formaldéhyde à 4 %) pour réduire la dose d’absorption systémique. (34) Des études complémentaires doivent être menées pour vérifier si une solution à 1.5 ou 2 % de formaldéhyde peut être utilisée avec succès pour traiter des dents temporaires. La dilution de formocresol à ce niveau réduirait la possibilité d’absorption systémique.

-Du Formol qui est a des propriétés antiseptiques et bactéricides.
-Du Gaïacol qui est un dérivé phénolique, à visée antiseptique et sédatif dentaire.

Le formaldhéyde se conserve 3 ans à une température inférieure à 25° à l’abri de la lumière.


3/ LE SULFATE FERRIQUE

Le sulfate ferrique se trouve dans le commerce sous forme d’une solution astringente à 15,5%. (C’est le même flacon que celui utilisé pour stopper l’hémorragie créviculaire lors de la prise d’empreinte en rpothèse fixe.)
Il est efficace pour le contrôle de l’hémorragie après une pulpotomie
Une étude retrospective sur 5 ans a montré des taux de succès comparable (74-84%) entre une application de sulfate ferrique et ceux d’une dilution à 1/5ème de formocresol appliqué pendant 5 minutes pour une pulpotomie. (35)
Le taux de succès clinique fut de 99% et le taux de succès radiologique de 75-84%
Avec une calcification progressive dans certains cas (6-33%) et des résorptions internes (7-18%).
Une autre étude a comparé une solution de sulfate ferrique à 15,5 % et une solution de formocresol à 20% sur des dents temporaires de babouins. Aucune différence significative ne fut trouvé entre ce deux concernant le degré d’inflammation périradiculaire, l’apparition d’abcès inter-dentaire ou la résorption osseuse. Dans 52% des cas que ce soit pour les dents traitées avec Sulfate ferrique ou Formocresol on observa la formation du pont dentinaire, signe caractéristique de la guérison.
Dans une étude sur l’utilisation du sulfate ferrique en pratique privée 37 seule 6 dents sur354 traitées, durent être extraites suites à al formation d’abcès

III PROTOCOLE OPERATOIRE.
-Anesthésie
-Pose de la digue
-Fraisage de la dentine cariée avec une vitesse de rotation suffisamment élevée pour ne pas léser les filets radiculaires. Commencer par les murs latéraux et gingivaux. Garder le mur pulpaire pour la fin.
-préparer la cavité ouvrir chambre pulpaire, retirer la pulpe camérale
-élargir l’entrée des canaux avec une fraise boule 6 ou 8.
-boulette de coton imbibé du produit choisit (sulfate ferrique, formocrésol, formalgéhyde) 5 minutes au contact des filets radiculaires
-Si il n’y a plus de saignement, c’est que l’inflammation de la pulpe camérale était limitée.
-Si il y a encore des saignements, vérifier qu’on a bien fait l’éviction de toute la pulpe camérale sinon c’est qu’il y a atteinte des filets radiculaires. Dans ce cas il faut envisager la pulpectomie.
On peut alors obturer pendant une semaine à l’Eugénate ou à l’IRM.
La séance suivante on obturera définitivement ou on posera une coiffe pédodontique si la dent est trop délabrée.



Sources :

Essentiellement traduit à partir d’un extrait d’une étude parue dans le Journal de la “California Dental Association” de Novembre 1999 intitulé “Effects of Materials Used in Pediatric Dentistry on the Pulp: A Review of the Literature” By David L. Good, DDS avec des compléments tirés d’un cours de l’université de Creighton (U.S.A) et des recherches sur Medline

Références :
20. Berger JE, Pulp tissue reaction to formocresol and ZOE. J Dent Child 32:13-28, 1965.
21. Magnusson BO, Therapeutic pulpotomies in primary molars with the formocresol technique. ACTA Odontol Scand 36:157-65, 1978.
22. Fuks AB, Bimstein E, Michaeli Y, Glutaraldehyde as a pulp dressing after pulpotomy in primary teeth of baboon monkeys. Pediatric Dent 8:32-6, 1986.
23. Cotes O, Boj J, et al, Pulpal tissue reaction to formocresol vs. ferric sulfate in pulpotomized rat teeth. J Clin Pediatr Dent 21:247-54, 1997.
24. Fuks AB, Eidelman E, et al, Pulp response to ferric sulfate, diluted formocresol and IRM in pulpotomized primary baboon teeth. J Dent Child 64:254-9, 1997.
25. Hamid A, Hume WR, A study of component release from resin pit and fissure sealants in vitro. Dent Mater 13:103-10, 1997.
26. Hill SD, Berry CW, et al, Comparison of antimicrobial and cytotoxic effects of glutaraldehyde and formocresol. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 71:89-95, 1991.
27. Ketley CE, Goodman JR, Formocresol toxicity: Is there a suitable alternative for pulpotomy of primary molars. Int J Paed Dent 2:67-72, 1991.
28. Araki K, Isaaka H, et al, Excretion of 14C-formaldehyde distributed systemically through root canal following pulpectomy. Endod Dent Traumatol 9:196-9, 1993.
29. White KC, Cox CF, et al, Pulpal response to adhesive resin systems applied to acid-etched vital dentin: damp versus dry primer application. Quintessence Int 25:259-68, 1994.
30. Fey A, Udin R, Johnson R, A clinical study of ferric sulfate as a pulpotomy agent in primary teeth. Pedatr Dent 13:327-32, 1991.
31. Law DB, Lewis TM, Formocresol pulpotomy in deciduous teeth. J Am Dent Assoc 69:601-7, 1964.
32. Redig DF, A comparison and evaluation of two formocresol pulpotomy techniques utilizing “Buckley’s” formocresol. J Dent Child 35:22-30, 1968.
33. Rolling I, Lambjerg-Hansen H, Pulp condition of successfully formocresol-treated primary molars. Scand J Dent Res 86:267-72, 1978.
34. Morawa AP, Straffon LH, et al, Clinical evaluation of pulpotomies using dilute formocresol. J Dent Child 42:360-3, 1975.
35 Title: Ferric sulfate pulpotomy in primary molars: A retrospective study
Nikki L. Smith, DDS, MS N. Sue Seale, DDS, MSD Martha E. Nunn, DDS, PhD.
36 Pulpotomy; Calcium hydroxide; Amalgam; Steel crown
Fuks, Anna B.; Eidelman, Eliezer; Cleaton-Jones, Peter ;f2et al;f1: Pulp response to ferric sulfate, diluted formocresol and IRM in pulpotomized primary baboon teeth. J Dent Child, 64:254-259, July-August 1997.
A Retrospective Study of Pulp Treatment in Primary Teeth with Ferric Sulfate and Formocresol in a Private Pediatric Office and the Students’ Clinic
S. HATIBOVIC-KOFMAN1, J. BYLYKBASHI1, and C. SCHNEIDER-FRIEDMAN2, 1 University of Western Ontario, London, Canada, 2 Pediatric Oral Health Dentistry, London, Canada