Mobilisation contre l’effet iatrogène des médicaments chez les personnes agées

Une campagne de grande envergure, menée auprès des professionnels de santé et des personnes âgées de plus de 65 ans, vise à limiter la survenue d’effets médicamenteux secondaires au sein de cette population qui y est particulièrement exposée. Les pharmaciens trouvent en cette opération, dont ils constituent un des piliers, l’occasion de réaffirmer leurs engagements dans le suivi thérapeutique du patient.

Médecins, phramaciens, chirurgiens-dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, près de 450 000 acteurs de santé sont invités à se mobiliser afin de prévenir le risque iatrogène chez la personne âgée de plus de 65 ans. Les effets indésirables surviennent deux fois plus fréquemment que dans le reste de la population et peuvent être évités dans les deux tiers des cas.
Destinée aux professionnels de santé, cette campagne de sensibilisation et d’information, lancée sous l’impulsion du mouvement Santé en action et d’associations de patients et de consommateurs, s’adresse aussi directement à ces sujets les plus concernés par le risque d’iatrogénie, ou iatrogenèse, terme recommandé par l’Académie française et celle de pharmacie. « Les effets indésirables peuvent être évités au niveau de la prescription, de la délivrance, mais aussi bien sûr de l’usage des médicaments par les sujets âgés », souligne le Pr Jean Doucet, de l’Apnet*.

La moitié au moins des patients de plus de 65 ans font ainsi preuve d’un manque de rigueur dans la prise de leurs médicaments par oubli, confusion, erreur de posologie, à la suite d’une modification de leurs habitudes ou du lieu dans lequel ils se trouvent.

Déculpabiliser la demande.

Par des slogans comme « Vous n’êtes pas toujours sûr de vous lorsque vous prenez vos médicaments ? Vous n’êtes pas la seule personne dans ce cas ! » ou « Vos médicaments ? Osez en parler ! », les brochures à distribuer et affiches à apposer à l’officine, transmises dès à présent par les grossistes-répartiteurs aux pharmaciens et à leurs équipes, incitent les personnes âgées à mieux respecter leurs prescriptions, à demeurer vigilants face à des symptômes inhabituels, comme une somnolence ou des vertiges, et les encouragent à dialoguer et à interroger les professionnels de santé. La plaquette comprend en outre des conseils rappelant la nécessité de boire suffisamment, de se peser régulièrement, de ne pas s’isoler ou de faire contrôler sa vue, son audition, son état dentaire. Sur ce document, également, « le patient note ses états d’âme, ses remarques et l’emporte avec lui quand il se rend chez son médecin ou chez son pharmacien », explique le Dr Yves Juillet, du Leem.
La brochure destinée aux professionnels de santé encourage les prescripteurs à tenir encore plus compte des données d’études cliniques conduites chez le sujet âgé, même si elles sont encore trop rares. S’ensuivra une adaptation des posologies et la réévaluation régulière des traitements au long cours, car ce n’est pas toujours le nombre important de médicaments que ces patients se voient prescrire qui est à l’origine des effets indésirables, mais bien souvent l’aspect redondant d’une prescription multiple.

La profession fortement impliquée
Le mouvement Santé en action regroupe 26 fédérations de professionnels de santé, 1 000 entreprises réunies au sein de la Fédération française des industries de santé (Fefis) et 1 400 établissements hospitaliers privés. Les pharmaciens y sont représentés par l’Ordre national des pharmaciens, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (Fspf), l’Union nationale des pharmacies de France (Unpf), l’Association de pharmacie rurale (Apr), le Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (Cespharm), l’Union technique interprofessionnelle pharmaceutique (Utip), la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (Csrp) et Les Entreprises du médicament (Leem).

Une attention particulière.

Micheline Bernard-Harlaut, présidente du Cnafal**, invite ainsi les professionnels de santé à « cesser la routine » en recopiant ou renouvelant systématiquement l’ordonnance de ces sujets « de plus grande fragilité et dont il est important de prendre conscience de la douleur, tant physique que morale, pour éviter une automédication sauvage dramatique ». Mission, pas impossible, attribuée aux officinaux : expliquer plus encore l’utilité des médicaments et leur mode d’utilisation, traquer sans relâche les prises simultanées et les premiers signes d’effets iatrogènes.
« Les logiciels de détection d’interactions et d’alerte, dont les pharmaciens sont encore insuffisamment équipés, devraient être obligatoires, de même que pour les médecins, plaide Bernard Capdeville, président de la Fspf. Dans ce cas, une remise à jour régulière des bases de données est indispensable. » Cette démarche, inscrite dans la pratique officinale quotidienne, affirme le « rôle du pharmacien dans la prévention de santé, auprès du sujet âgé, mais également de son entourage, qu’il ne manquera pas de mettre en garde sur les risques encourus », indique Claude Dreux, président du Cespharm. Un coupon-réponse, à découper dans la prochaine « Lettre des nouvelles pharmaceutiques » et à envoyer à cet organisme, assure aux officinaux le réassortiment d’affiches et de brochures.
Les initiateurs de cette campagne ont d’ores et déjà annoncé qu’elle fera l’objet d’évaluations. Une bonne occasion de tester la volonté d’implication des officinaux dans le dossier personnalisé du patient, développé par l’Ordre des pharmaciens, avant l’éventuel partage, avec les médecins, des données du DMP.

> MATTHIEU VANDENDRIESSCHE

* Association pédagogique nationale pour l’enseignement de la thérapeutique.
** Conseil national des familles laïques.

Trois à cinq médicaments par jour en moyenne
Au 1er janvier 2004, la France comptait plus de 9,8 millions de personnes âgées de 65 ans et plus. Elles seront près d’un million et demi de plus en 2010. Parmi elles, aujourd’hui, la moitié environ ont entre 65 et 74 ans, tandis qu’un peu plus d’un tiers ont entre 75 et 84 ans. Selon le Credes, en l’an 2000, 67 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont acquis au moins un produit pharmaceutique en un mois, une proportion qui augmente avec l’âge. La consommation journalière moyenne s’établit à 3,6 médicaments par personne âgée de 65 ans et plus, allant jusqu’à 4,6 pour les 85 ans et plus. Les médicaments à visée cardio-vasculaire, qui concerneraient la moitié des sujets de 65 ans et plus, sont les plus consommés.

Source Quotiphram.com 28 Octobre 2004