Mélange protoxyde d’azote/oxygène. Prévention de la douleur dans les soins

La sédation par inhalation d’un mélange équimoléculaire protoxyde d’azote/oxygène est une alternative à l’anesthésie générale pour les soins dentaires des enfants et des adultes présentant des troubles du comportement.
Un intérêt chez les sujets qui présentent des troubles du comportement. (Une étude parue dans le Quotidien du Médecin)

Les effets bénéfiques de l’administration d’un mélange équimoléculaire de protoxyde d’azote/oxygène au cours de soins dentaires ont fait l’objet de nombreuses publications, mais peu d’études ont évalué leurs effets chez des patients présentant des troubles du comportement.
Les dispositifs et protocoles développés en Europe du Nord et aux Etats-Unis sont peu adaptés à ce type de patients initialement peu coopérants. De ce fait, certains auteurs (1, 2, 3) estiment que ces patients ne peuvent relever de ce mode d’analgésie pour les soins dentaires.
En France, la situation est différente puisque les indications d’administration d’un mélange équimoléculaire protoxyde d’azote/oxygène pour les soins dentaires s’adressent spécifiquement aux personnes présentant des troubles cognitifs, aux très jeunes enfants, aux patients très anxieux, précise le Pr M. Hennequin.
Deux études ont permis d’évaluer, chez des patients difficiles à soigner, les effets immédiats et à distance des administrations de Kalinox[226] un mélange équimoléculaire de protoxyde d’azote/oxygène qui présente la caractéristique d’être à la fois analgésique et de permettre au patient d’être relaxé dans un état de sédation consciente.

Effets immédiats

La première étude (4), une étude prospective multicentrique menée sur une période de un an, a permis d’analyser les effets de 605 administrations de Kalinox[226] au cours de soins dentaires réalisés chez 348 patients (140 enfants, 208 adultes) scolarisés ou travaillant ou vivant en milieu protégé et/ou médicalisé ; tous étaient en échec de soins.
Ces patients présentaient soit des troubles de la personnalité (autisme et psychose), soit des syndromes ou maladies rares associant une déficience mentale, des retards psychomoteurs, soit des déficiences mentales sans étiologie connue ou des troubles neurologiques acquis ; dans quelques cas, il s’agissait de pathologies démentielles liées au vieillissement et chez un patient d’une trisomie 21.
Les soins dentaires ont pu être réalisés chez pratiquement tous les patients (91 %), avec dans 23 % des cas une anesthésie locale : des extractions dentaires (23 % des cas), des soins conservateurs nécessitant le recours à des instruments rotatifs (fraise, turbine) dans 34 % des cas, des détartrages (18 % des cas) et des examens bucco-dentaires (15 % des cas).
Le niveau de coopération des patients a été évalué à l’aide d’une échelle descriptive du comportement (échelle de Venham [4]) à différentes reprises : lors du premier contact avec le patient dans la salle de soins ou la salle d’attente (à ce moment, près de 30 % des enfants sont opposants) ; lors de l’application du masque ; quelques minutes après l’application du masque ; lors de la réalisation de l’anesthésie locale et pendant la réalisation des soins.
L’analyse des résultats montre que le niveau de coopération des patients s’améliore de façon significative entre le moment où le masque est appliqué et celui où l’acte est réalisé et que ces effets bénéfiques s’accompagnent d’une bonne tolérance : l’inhalation du mélange équimoléculaire protoxyde d’azote/oxygène n’entraîne pas d’effet indésirable majeur.

Effets à distance

La deuxième étude (5) est une étude monocentrique qui vient d’être menée sur une période de deux ans pour étudier l’évolution du comportement des patients lors des répétitions des séances de soins sous inhalation du mélange gazeux protoxyde d’azote/oxygène et pour évaluer l’efficacité et la tolérance de la technique au cours du temps ; 229 enfants souffrant de troubles cognitifs ont été inclus dans cette étude. Parmi les 441 administrations du mélange gazeux (Kalinox),
119 correspondaient à des premières expériences de sédation alors que 332 étaient des réitérations.
Chez les enfants qui avaient des séances de soins répétitives, le taux de succès était significativement augmenté (97 % versus 89 % quand il s’agissait de premières expériences, p < 0,001), mais, chez tous, le niveau de coopération s'est amélioré de façon significative entre le moment d'application du masque et la réalisation des soins. En outre, les comparaisons des scores de Venham pour les premières expériences de sédation et les sessions répétées montrent que les comportements des patients en début et en fin d'induction et au moment de l'inhalation sont améliorés au cours des répétitions. Les enfants sont relaxés, ils parviennent, pour la plupart d'entre eux, à contrôler leurs émotions, coopèrent de plus en plus, devenant ainsi des « acteurs » de leurs soins. Conditions

L’administration d’un mélange équimoléculaire de protoxyde d’azote/oxygène doit être faite dans des locaux adaptés, par un personnel médical ou paramédical spécifiquement formé et dont les connaissances sont périodiquement réévaluées.
La formation de ces professionnels ne doit pas se limiter aux indications relatives à l’installation du matériel mais doit également inclure l’enseignement des techniques cognitivo-comportementales adaptées aux situations de stress.

Dr MICHELINE FOURCADE


Source : Quotimed.com

Références :
Unesco, 11e journée : « La douleur de l’enfant, quelles réponses ? ».
Communication du Pr M. Hennequin, unité fonctionnelle de soins spécifiques, service d’odontologie, CHU Clermont-Ferrand, GEDIDO, E. A. université d’Auvergne.
(1) R.-S. Garrisson, S.-R. Holliday, D.-P. Kretzschmar. Nitrous oxide sedation. In : Management of pain and anxiety in the dental office. Eds Dionne R. A., Phero ; J.-C. Becker D. E. WB Saunders company ;
pp. 209-223, 2002 .
(2) I. Holroyd, G.-J. Roberts. Inhalation sedation with nitrous oxide : a review. « Dent Update », 2000 ; 27 :141-146.
(3) D.-J. Stach. Nitrous oxide sedation : understanding the benefits and the risks. Am « J. Dent », 1995 ; 8 : 47-50.
(4) M. Hennequin, M.-C. Manière, A. Berthet, C. Tardieu, M. Lemaire. P. Onody. Cadre médico-légal des indications de sédation par inhalation du mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote en odontologie. « L’Information dentaire », 2002 ; 25 : 1727-1735.
(5) V. Collado, P. Onody, D. Faulks, S. Koscielny, M. Hennequin. Effets des administrations réitérées d’un mélange équimoléculaire N2O/O2 (Kalinox®) au cours des soins dentaires. « Les Cahiers de l’ADF », sous presse.