Le langage des dents (par Estelle Vereeck)

Pour une juste place de la psychosomatique en dentisterie.

Le praticien est parfois confronté à des échecs qui ne peuvent s’expliquer par des causes objectives (réactions douloureuses disproportionnées, rejet d’implant, infection, etc.). En dépit des précautions prises et des soins apportés au traitement, les suites opératoires évoluent de manière imprévisible et défavorable.

Une incisive, par exemple, en dépit d’un traitement endodontique soigneux évolue vers l’inflammation chronique. Durant des semaines, voire des mois, le patient ressent des douleurs fortes et invalidantes dont il tient le praticien pour responsable. Proposer au patient un décodage psychologique de son problème dentaire peut lui permettre de sortir de la situation de victime dans laquelle il se débat.

Pour le praticien, il ne saurait être question de se défausser du problème. Invoquer la dimension psychologique n’est pas trouver un échappatoire à bon compte mais donner au patient une chance supplémentaire de guérir. C’est opérer un recadrage thérapeutique: en dépit de ses connaissances et de son savoir-faire, le dentiste ne détient pas toutes les clés, le patient a sa part de responsabilité dans le processus de guérison.

S’il est clair que le soin dentaire est incontournable, il est tout aussi évident que l’on ne peut guérir quelqu’un malgré lui. Toute guérison est le fruit d’une coopération réussie entre le praticien et le patient. Pouvoir dire au patient: “j’ai fait tout ce que j’ai pu pour vous soulager mais je me heurte à un obstacle que vous seul pouvez résoudre en acceptant de reconnaître le message que cette dent vous adresse” peut apaiser les tensions et mettre le patient sur la voie de la résolution de son problème.

Il n’est pas question de faire un travail psychologique pour lequel le dentiste n’a ni le temps ni la formation mais de proposer au patient des pistes qu’il lui appartient ensuite d’explorer. De toute manière, cela semble inéluctable : de plus en plus de patients demandent une prise en charge incluant la dimension psychologique.

Consciente de la difficulté pour le dentiste d’y répondre dans le cadre d’un cabinet dentaire classique, Estelle Vereeck a écrit deux livres pratiques sur le langage des dents (un “essentiel” et un dictionnaire) afin d’offrir au praticien et au patient un outil simple et performant. Certains praticiens utilisent ces livres au fauteuil, comme un tiers neutre entre patient et praticien, d’autres plus nombreux les conseillent au patient, car c’est à lui que revient la responsabilité de se prendre en charge à ce niveau et de s’investir dans le processus thérapeutique.

Recourir à l’outil “langage des dents”, interface entre patient et praticien, donne à la dimension psychosomatique sa juste place: sans la nier et sans s’y noyer.

Hormis un peu de son temps, le dentiste n’a rien à perdre et le patient beaucoup à y gagner. Quelques mots prononcés ou lus au bon moment peuvent tout changer et conduire à une prise de conscience qui parfois évite d’en venir à une solution thérapeutique mutilante.

SOURCE : Tiré d’un article D’Estelle Vereeck, paru dans l’Indépendentaire de novembre 2005

http://www.holodent.com/pages/Le_LANGAGE_DES_DENTS-76726.html