Formation continue des chirurgiens dentistes et liberté individuelle

L’exercice de notre Profession passe par la qualité des soins et cette qualité passe notamment par la formation continue. En effet, au cours de ces trente dernières années, la chirurgie – dentaire a connu une véritable révolution scientifique permettant de mieux connaître et de mieux guérir un certain nombre &affections ; sa pratique actuelle n’a qu’une lointaine parenté avec celle du début du siècle. Face à cette situation, la position du chirurgien-dentiste devient difficile devant de véritables bouleversements auxquels il faut s’adapter et apporter des réponses concrètes pour le bénéfice des patients. Certes, il doit constamment se tenir au courant des nouvelles techniques et thérapeutiques, en ce sens, le Code de Déontologie lui en fait obligation, tant au plan moral qu’au plan déontologique.

On insiste suffisamment sur les progrès de la science médicale pour reconnaître que la durée de vie des connaissances est assez brève. On indique parfois que la moitié de ce qui est connu aujourd’hui sera périmé dans cinq ans. C’est en réalité une évaluation approximative et difficile. Cela dépend d’abord de la nature des connaissances : celles qui relèvent de l’anatomie ou de la clinique ont peu changé depuis des décennies, alors que d’autres, sont plus rapidement dépassées. Les tentatives de réponse face aux extraordinaires transformations dé ces dernières décennies sont multiples, et chaque praticien se trouve directement impliqué. Diverses possibilités d’informations et de connaissances complémentaires se sont progressivement mises en place.

Ainsi l’évolution accélérée de la chirurgie – dentaire et la progressive prise de conscience des besoins de formation des praticiens ont suscité des initiatives variées et certainement utiles. Toutefois l’ensemble reste disparate, mal coordonné et suivi par trop peu de praticiens

Aujourd’hui, compte tenu des expériences passées (formation médicale continue et formation dentaire au Québec), il est possible d’établir un tableau d’ensemble de ce que pourrait être, dans l’avenir, la formation continue.

Les impératifs concernant la formation continue sont, en priorité, d’ordre éthique. Aucun ne peut, en conscience, se soustraire aux obligations d’une formation régulièrement poursuivie. Est-ce une obligation morale au titre d’un devoir éthique assumé ou obligation imposée, garante d’une formation continue efficace ?

4- SYNTHESE

La formation continue jouit actuellement d’un engouement certain. Elle est bien moins développée en France qu’au Canada où celle-ci est déjà bien installée.

La formation continue se trouve actuellement au centre de tous les débats. Son intérêt vient certainement du fait que son organisation est encore au stade ” embryonnaire “, comparativement au Canada où le système est déjà installé.

4-1 LA LIBERTÉ DU PRATICIEN FACE A SA FORMATION PERMANENTE

Il faut voir dans la formation médicale obligatoire un moyen de promotion collective et individuelle. Il serait inacceptable d’en faire un instrument de contrainte aveugle, contraire aux principes de liberté individuelle.

La question éthique rencontrée se pose face à la liberté du chirurgien dentiste durant sa formation continue ou son obligation ” sanctionnée ” par une autorité compétente.

En d’autres termes, la formation continue doit-elle être obligatoire (avec sanction pour ceux qui ne s’y soumettent pas … ) ou au contraire promotionnelle, créant de ce fait une médecine à deux niveaux, ou de rester de la simple appréciation personnelle, au titre d’un devoir éthique assumé ?

Un choix se proposera donc entre la ” liberté ” qu’aura le chirurgien dentiste de ” perfectionner et d’entretenir ses connaissances “,liberté guidée par ses obligations déontologiques, et un système de notation à la Canadienne garante d’une certaine efficacité de l’action &une formation continue mais laissant peu de place à la liberté du praticien.

Dans le premier cas, le professionnel développera sa propre formation avec des objectifs qui sont les siens malgré l’existence de thèmes proposés par le CNFPO. Cette attitude n’exclura pas la possibilité d’une formation continue peu efficace avec des lacunes dans certaines disciplines.

Par ailleurs le praticien voudra àjuste titre que ses efforts soient reconnus à leur vraie valeur et l’aident dans une promotion professionnelle, voire dans une promotion de son statut social. Chaque dentiste se constituera une expérience dans la formation qu’il voudra enrichir et qu’on lui demandera de présenter dès qu’il sollicitera une amélioration de sa condition ou postulera à divers fonctions.

Cependant, le nombre de médecins et de chirurgiens dentistes qui participent aux actions de formation, pour n’être pas négligeable est encore trop faible. Ainsi, il est essentiel que la formation continue soit obligatoire.

Cela aboutirait à la notion d’accréditation, ou à l’obtention d’un certificat..

L’accréditation supposerait un barème de points répartis dans les différentes formes de formation continue que le chirurgien-dentiste additionnerait en vue &obtenir le quota exigé. Cette solution présente une garantie de l’efficacité de l’action de formation continue dans le seul cas où le praticien participe aux différentes manifestations en toute conscience et non sous la contrainte.

Par contre, la “recertification” imposerait un examen périodique testant les connaissances des praticiens, seule garante de l’efficacité absolue de la formation continue. Celle ci supposerait une plus

grande liberté du praticien face aux différentes formes de formation continue, le résultat final étant la réussite aux épreuves.

L’accréditation ou l’évaluation sous entendent la notion de sanction qui pourra être une interdiction temporaire d’exercice, qui pourra être levée dès lors que le praticien repassera son examen et le réussira.

Ce choix devra intervenir mais, dès maintenant, les praticiens devront être encouragés à constituer un dossier individuel de formation permanente où ils ” engrangeraient ” les attestations de participation à des unités de formation variées, si possible soumises à une évaluation formative. Ce dossier serait l’expression de la prise de conscience du praticien et en cas de difficulté professionnelle serait la témoin de l’effort consenti par le praticien pour sa formation continue.

Cette ” liberté individuelle ” prend sa pleine valeur &un point de vue éthique, lorsqu’on ne perd pas de vue que l’intérêt majeur de la formation continue est la qualité des soins que les praticiens prodiguent à leurs patients

4-2 ORGANISATION DE LA FORMATION CONTINUE: FORCES ET FAIBLESSES.

La formation continue est protéiforme et ne se laisse pas enfermer facilement dans des schémas réducteurs.

Nous remarquons que la plupart des actions de formation continue reste théorique, or la chirurgie dentaire est un métier très pratique. Bien que le savoir guide le geste, la pratique dentaire est essentiellement manuelle. De ce fait, la formation continue devrait davantage en tenir compte avec la création d’ateliers pratiques, les locaux universitaires s’y prêtent déjà très favorablement

Cependant, les techniques pédagogiques et les modalités de la formation continue devront se professionnaliser et se diversifier. Les modalité de la formation permanente vont véritablement exploser, notamment avec l’apport de l’informatique et le développement des “autoroutes de

l’information ” qui vont révolutionner l’auto-formation si importante en formation professionnelle permanente. Si l’avenir de l’information médicale appartient aux services en lignes, &autres outils ” intermédiaires ” constituent des ” niches ” du marché médical de

l’information. C’est par-exemple le cas des CD-ROM interactifs; si le contenu est irréprochable et complet, on pourra regretter le coût. En effet, quel est le marché pour un outil de formation médicale, sachant que moins de 20% des praticiens sont équipés d’ordinateur et, parmi eux, moins de 30% sont équipés de lecteurs de CD-ROM?

Seule issue, les pôles d’enseignement institutionnels : facultés de médecine, bibliothèques médicales, mais combien sont équipées et laquelle investira dans ce genre d’outil mono-utilisateur? La

Profession médicale, dans sa dimension nationale et européenne, doit se tenir prête, avec l’aide de université, de la presse médicale et de l’industrie, à relever ce défi.

Mais les insuffisances demeurent. L’organisation de la formation continue reste incohérente et
Persée entre une multitude &associations jalouse de leur autonomie et pas toujours
professionnelles” pour ce qui est de leur gestion et de leur compétence en formation d’où la nécessité

lm

reconnaître des formations agréées. Les divers mondes médicaux, libéraux et salariés, généralistes et spécialistes, se côtoient à peine, s’ignorent souvent et ne se rencontrent jamais.

4-3 ADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT: UNE ENTENTE MITIGÉE

Les organismes censés définir la politique de la formation continue sont multiples, de présentativité inégale : ADF, représentants de l’université, les sociétés scientifiques, les syndicats NSD), le conseil de l’Ordre…

conntinue.

Tout cela manque donc &unité et ne contribue pas à rendre facile l’organisation de la formation

Il est à souligner que l’université est très peu représentée dans cette structure. Elle revendique

juste place, arguant qu’elle assure d’une part, la formation initiale des chirurgiens dentistes, et autre part la formation post-universitaire des praticiens en activité libérale. Dès lors une question se )se concernant la formation continue des universitaires. Nous pensons qu’ils doivent participer à ses actions de formation continue au même titre que les non universitaires.

Les points de friction sont nombreux et la progression chaotique.

nous vivons actuellement les heurts et les malheurs de la formation continue!.

La déduction logique est que la formation continue doit se structurer. Elle doit arrêter &être le

champ clos d’intérêts partisans, et de lutte de pouvoir sans lendemain car vouées à l’échec dès lors même qu’elles croiraient réussir. L’avenir de la formation continue, compte tenue des enjeux qu’elle présente (la santé des Français et l’économie de la France), doit avoir une reconnaissance officielle, dans le cadre d’une réglementation simple et claire, tenant compte de l’acquis qui est loin &être négligeable. L’avenir de la formation continue est à ce prix!

Concernant le financement de la formation continue, jusquà présent, il n’avait pas vraiment osé de problème à notre profession, puisqu’il était essentiellement assuré par les praticiens eux mêmes.

Depuis l’avènement du FIF-PL en 1992 a contraint les praticiens à la cotisation obligatoire mutualisée.
Enfin, les ordonnances Juppé sur l’obligation de formation continue pour les professions de santé ont
obligé les chirurgiens dentistes à y réfléchir, en regardant &abord ce qui se passait en dehors de leur
profëssion….

En effet, si pour les chirurgiens dentistes, la source de financement de leur formation continue est à 95% issue de leur denier propre, nos confrères les médecins ont depuis longtemps diversifié leurs mode de financement, au prix &une liberté moindre face à leur formation continue. Il semble évident

que le maintient du financement individuel assurera l’indépendance et la maîtrise des choix de formation continue.

De plus, le financement collectif type “fond de formation” paraît être une porte ouverte à plus de dérapage que &efficacité.

Quant au FIF-PL, s’il ne peut être supprimé, il doit être maintenu au faible taux de cotisation actuelle, et utilisé pour des formes de formation collectives, pouvant bénéficier à tous les confrères cotisants, et non seulement à quelques uns.

Or la formation permanente aura de plus en plus de mal à rester indépendante et transparente : son coût sera de plus en plus important, les professionnels à eux seuls ne pourront pas les assumer et la collectivité, par l’intermédiaire des caisses d’assurance maladie et des ministères de tutelle, ne pourront pas suffire. Il faudra donc négocier avec l’industrie pharmaceutique et tous ceux qui ont intérêt à avoir de bons praticiens, dépasser les discours aseptisés et passer de véritables accords de partenariat. Tout le monde devrait y trouver son compte. Ce qui est certain, c’est quune formation permanente de qualité ne pourra se passer de ressources importantes qui lui sont propres, gérées par les professionnels eux mêmes, toutes catégorie confondue.

Au total, la formation continue représente une des questions parmi les plus importantes touchant la profession car elle est un élément essentiel de la responsabilité éthique de chaque praticien. Les pouvoirs publics se doivent &être particulièrement attentifs à la formation continue dont le but est d’assurer la compétence professionnelle et de renforcer l’action médicale sur la santé individuelle et collective.

La décision de rendre officielle universelle et attestée la formation continue du médecin est une étape majeure des Ordonnances Juppé.

Elle confirme le souci partagé par tous de pouvoir entretenir sa compétence dans le but d’assurer la qualité des soins.

Un petit nombre de praticiens n’avaient pas attendu ce signal pour respecter cette obligation. Ce qui se faisait sans le dire prend encore plus de valeur une fois annoncé et officialisé.

L’Ordre des médecins, dont la mission est de garantir l’ensemble des qualités requises pour exercer la médecine, ne peut que s’en réjouir. Les efforts individuels ou collectifs consentis depuis de nombreuses années pour assurer ce perfectionnement seront maintenant évalués et reconnus. Quant aux chirurgiens-dentistes, ils sont dans l’attente de voir leurs efforts récompensés, tout comme l’ont été ceux des médecins. Ils pourront en sus, bénéficier de l’expérience de leurs confrères.

L’attestation délivrée par des instances officielles viendra confirmer la capacité initiale reconnue au moment de l’inscription au tableau de l’Ordre. Garantie d’une conscience collective, elle doit être reconnu pour tous, quel que soit son mode d’exercice ou sa spécialité. Si par le passé, des doutes subsistaient sur la compétence de certains, la reconnaissance de cette permanence dans la formation doit permettre de lever tout soupçon. La réussite de ces nouvelles dispositions dépend de la capacité des organismes qui en seront chargé, de faire en sorte que chacun puisse bénéficier d’une formation adaptée et conforme à ses besoins personnels.

La gestion de cette activité et la répartition des moyens financiers seront la clé de la réussite. Cette généralisation de la formation permanente doit aussi ouvrir la voie à de nouveaux comportements. Accomplir son devoir de formation implique une organisation nouvelle du temps de travail; elle ne doit pas être considérée comme un supplément à l’activité quotidienne, mais comme une partie intégrante de l’activité professionnelle.

L’expérience a montré que le sens éthique de chaque praticien n’incluait pas forcément cette dimension, aussi la formation continue doit elle prendre place clairement et de manière structurée, dans l’éthique des dentistes.

SOURCE : Auteur RITA HALHAL
Promotion : 1996-1997 Année de publication : 1997
Directeur des travaux : Dr A. BERY Affiliation du diplôme : Université René Descartes Paris V DEA d’éthique médicale et biologique (Pr Christian Hervé)
Lieu : Faculté de médecine de Necker
156, rue de Vaugirard
Code Postal : 75015 Ville : Paris

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