Effets secondaires de l’anesthésie générale

PARIS, 8 juin (APM Santé) – Certaines anesthésies générales perturberaient l’horloge interne cérébrale et induirait un effet de type décalage horaire, selon un communiqué de l’Inserm diffusé jeudi.
Neuf millions d’anesthésies générales sont pratiquées chaque année en France. Bien que les produits utilisés soient aujourd’hui éliminés très rapidement, de nombreux patients se plaignent de troubles du sommeil et d’une grande fatigue pouvant persister jusqu’à cinq jours.
Grâce à une mise en commun de compétences en chronobiologie et en modélisation des problématiques de l’anesthésie, une équipe de chercheurs français (Inserm U 666 et CNRS) basés à Strasbourg démontre pour la première fois qu’une anesthésie par propofol perturbe l’horloge interne cérébrale et induit un effet de type décalage horaire. Ces travaux sont publiés dans la revue “Neuropsychopharmacology”.

Les progrès réalisés en matière d’anesthésie ont permis d’assurer un maximum de sécurité pour les patients au bloc opératoire. Les recherches actuelles s’intéressent désormais aux conséquences désagréables de l’anesthésie et visent essentiellement à l’amélioration de la qualité dans ce domaine.
Ainsi, l’élimination plus rapide des produits utilisés permet aux patients de limiter leur séjour à l’hôpital, voire pour quelque 30% d’entre eux, de bénéficier d’anesthésies réalisées en ambulatoire, c’est-à-dire sans hospitalisation.
Pourtant, un grand nombre se plaint encore d’une mauvaise qualité de sommeil, de troubles de l’attention, d’épisodes de somnolence et d’une fatigue inexpliquée les jours suivant une anesthésie générale. Ces symptômes surviennent même lorsque l’anesthésie est de courte durée (20 à 30 minutes) et ne s’accompagne pas de geste chirurgical (coloscopie, par exemple).
Ces perturbations qui persistent jusqu’à 5 jours après l’anesthésie limitent une reprise rapide des activités familiales et/ou professionnelles et peuvent provoquer des incidents du fait de troubles de l’attention.
Dès 2001, l’équipe de chercheurs strasbourgeois suggérait un éventuel effet perturbateur de l’anesthésie sur les rythmes circadiens (qui régulent sur 24 heures l’alternance veille-sommeil), voire une action directe de l’anesthésie sur l’horloge biologique interne cérébrale (structure cérébrale qui régule ces rythmes).
Après quelques études expérimentales pilotes menées chez le rat, avec le soutien de l’Institut Fédératif des Neurosciences à Strasbourg et du département de Neurobiologie des Rythmes
de l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (CNRS, Université Louis Pasteur), les premiers résultats ont confirmé une perturbation des rythmes circadiens après une anesthésie de courte durée (30 minutes) chez le rat.
Cette première découverte a permis à l’équipe d’obtenir en 2004 un financement de l’European Society of Anesthesiologists afin de répondre à la question suivante : l’anesthésie a-t-elle un effet direct en soi sur l’horloge interne cérébrale ?
LE PROPOFOL : UN EFFET DIRECT SUR LE RYTHME CIRCADIEN
Dans cette optique, les chercheurs ont mis en commun leurs compétences en modélisation animale des problématiques cliniques de l’anesthésie et en chronobiologie et établi un effet direct sur le rythme circadien d’une anesthésie générale par le propofol.
Cet anesthésique, utilisé en pratique courante chez les patients, induit une perturbation du rythme circadien chez le rat en décalant son horloge interne cérébrale. Une perturbation qui équivaut chez l’homme à un effet de type “jet-lag”, comme c’est le cas, par exemple, du décalage horaire engendré par un vol Paris-New-York.
Sur la base de ces résultats, se met actuellement en place en 2006-2007 une nouvelle approche en 3 phases :
– chez les patients, pour évaluer l’importance et les conséquences (en termes de qualité de sommeil) du décalage de l’horloge interne provoqué par une anesthésie générale, dans les conditions habituelles en pratique clinique de sa réalisation en ambulatoire ;
– sur modèle animal, pour déterminer les conditions dans lesquelles la lumière, synchronisateur puissant de l’horloge interne pourrait contrecarrer les effets de l’anesthésie ;
– chez l’homme, pour étudier les modalités d’une exposition à la lumière afin de prévenir de façon simple et non agressive les perturbations du rythme veille/sommeil après anesthésie et ainsi améliorer leur temps de récupération.
UN MODE DE FONCTIONNEMENT PROPRE AUX MAMMIFÈRES
Les rythmes biologiques représentent un principe de régulation fondamentale de l’activité chez les mammifères. Ils sont dits circadiens (du latin circa dies : environ un jour) si leur période s’étend sur une durée d’environ 24 heures. Ils sont sous le contrôle d’une horloge interne, structure située dans le cerveau (hypothalamus) qui intègre des stimuli environnementaux (comme la lumière) et agit sur les autres systèmes cérébraux et endocriniens (comme la sécrétion journalière de cortisol et de mélatonine, par exemple).
L’horloge interne régule ainsi le rythme circadien activité-repos/veille-sommeil, facteur de bonne organisation temporelle. De fait, un sujet en bonne santé voit une synchronisation de ses rythmes biologiques au temps local. Chez l’homme, toute perturbation de la rythmicité circadienne (désynchronisation) s’accompagne d’un ensemble de symptômes tels que troubles du sommeil et de l’humeur, fatigue, somnolence diurne et troubles de l’appétit.
Les facteurs de désynchronisation peuvent être externes (par exemple, décalage horaire du fait d’un voyage trans-atlantique, travail posté) ou internes (vieillissement, maladie cancéreuse).
Toute substance possédant un effet sur le système nerveux central est donc susceptible de provoquer un effet sur l’horloge interne cérébrale./ajrJeudi 08 juin 2006 – Copyright © APM-Santé – Tous droits réservés