L’UNECD réagit au rapport de l’IGF sur les professions réglementées …

L’UNECD réagit au rapport de l’IGF sur les professions réglementées, au projet de loi Macron associé, à la supression annoncée du numerus clausus de la formation, à l’ouverture facilitée des centre “low cost”…

Suppression du “numerus clausus” de la formation :

En préambule, voici la notion relative au numerus clausus votée en conseil d’administration de l’UNECD le 4 mai 2014 :
“L’UNECD est consciente des problématiques de régulation démographique et de répartition géographique des odontologistes en France. L’UNECD remet donc en question la pertinence et la viabilité de l’utilisation du numérus clausus pour répondre à ces enjeux, du moins dans sa forme actuelle. Une contribution proposera des améliorations ou des alternatives à la sélection dans les études médicales faisant suite aux constats actuels.”

Ainsi, bien qu’elle questionne la pertinence du numerus clausus, l’UNECD s’oppose fermement à sa suppression toutes affaires cessantes telle que préconisée par l’IGF. Les expérimentations concernant des formes de sélection alternatives au numerus clausus, menées dans les universités volontaires, ne sont pas terminées. Il est impératif d’attendre les résultats de ces expérimentations pour mener une réforme fondée sur les résultats et non sur la démagogie.

En outre, l’UNECD déplore que l’IGF n’avance aucune alternative au numerus clausus et se contente d’en recommander la suppression. Cette démarche signe un manque criant de connaissances de la part des rédacteurs de l’IGF en ce qui concerne les capacités d’accueil des 16 facultés d’odontologie françaises et des services d’odontologie des CHU. La qualité de la formation pâtirait dans des ampleurs extrêmes d’un afflux brutal de jeunes étudiants car :

– d’une part les facultés ne disposent pas d’effectifs d’enseignants suffisants
– et d’autre part, les services hospitaliers d’odontologie ne sont pas équipés pour ! accueillir plus d’étudiants sans remettre gravement en cause la qualité des soins.

L’UNECD souhaite enfin rappeler aux rédacteurs du rapport le travail de fond entamé par toutes les associations étudiantes représentatives en collaboration avec la FAGE en ce qui concerne une méthode de sélection alternative dans les filières de santé : le “LMD Santé”.

Créer un tarif pour l’acte de conseil et un tarif pour l’acte d’adaptation-pose de prothèses dentaires :

La prothèse dentaire est un dispositif médical sur-mesure, réalisé de manière unique pour chaque patient. Les travaux prothétiques sont menés en conscience par le chirurgien- dentiste, en relation constante avec son patient. Le chirurgien-dentiste n’est pas que le prescripteur d’un dispositif médical réalisé par le prothésiste dentaire. Le chirurgien- dentiste en est aussi le concepteur et endosse l’entière responsabilité médico-légale qui en découle.

Selon l’UNECD, il apparaît ainsi artificiel et dommageable d’interrompre la continuité des soins prothétiques d’un patient. Le rapport ne tient absolument pas compte de la nécessaire collaboration permanente entre un chirurgien-dentiste et son prothésiste. Aucune prothèse n’est un modèle générique. C’est bien la symbiose entre le chirurgien-dentiste et le prothésiste, tous deux experts en leurs domaines respectifs, qui permet la conception et la fabrication du dispositif médical sur-mesure qu’est la prothèse dentaire. C’est à cette unique condition que le patient bénéficiera des meilleurs soins.

De fait, la création des actes de “conseil” et de “pose-adaptation” d’une prothèse dentaire – telle que préconisée par l’IGF – repose sur un modèle marchand qui ne correspond aucunement à la réalité médicale du soin prothétique. Cette segmentation artificielle de l’activité va à l’encontre même de l’étroite collaboration quotidienne qui existe entre le chirurgien-dentiste et son prothésiste et qui s’effectue dans les meilleurs intérêts du patient et de sa santé. L’UNECD affirme avec force que, de la même manière qu’un patient ne saurait être segmenté en éléments anatomiques ou physiologiques, le soin au patient ne saurait être segmenté entre les acteurs de sa santé.

Possibilité d’établir un lien contractuel direct du prothésiste avec le patient et transparence sur le prix des prothèses :

En préambule, l’UNECD tient à rappeler que la relation contractuelle directe selon les modalités préconisées par l’IGF est une relation commerciale stricte. Cela va à l’encontre des valeurs de soin et de santé publique fondatrices du système de santé français. L’UNECD dénonce fermement ce fourvoiement qui transforme de fait tout patient en client.

Chaque individu est différent, cette différence s’exprimant bien évidemment également au niveau dento-maxillaire. La prothèse dentaire n’est ainsi nullement un modèle générique commandé au laboratoire de prothèse qui serait ensuite livré au patient en cabinet dentaire. L’UNECD souhaite attirer l’attention de l’IGF sur le fait que le modèle de santé français, dont fait intégralement partie la chirurgie-dentaire, n’est nullement un modèle financier ou contractuel mais bien un modèle de soin et de santé publique.

L’IGF semble considérer que l’élaboration d’une prothèse industrielle serait possible et appropriée pour les patients, dans le cadre d’une relation contractuelle directe entre un exécutant-fabricant qu’est le prothésiste dentaire et un patient devenu de fait un client. Ainsi, l’UNECD s’attriste du fait que le rapport de l’IGF balaie d’un revers de la main les valeurs fondatrices du modèle de santé français. En outre, l’UNECD tient à rappeler aux rédacteurs du rapport le caractère global des soins prothétiques, tel qu’explicité dans la rubrique précédente, afin de faire bénéficier le patient des soins qui lui sont les plus adaptés.

Par ailleurs, l’UNECD rappelle à l’IGF et au public que dans une démarche de responsabilité, les chirurgiens-dentistes ont signé – à l’occasion des dernières négociations conventionnelles avec la Sécurité Sociale – la mise en place d’un nouveau devis à destination des patients. Ce devis très complet précise au patient la ventilation des honoraires perçus par le chirurgien-dentiste, notamment en ce qui concerne les soins prothétiques. Les montants détaillés des honoraires y sont consignés et expliqués. Il sont mis en regard des charges de structure, comme le lourd plateau technique, qui sont aussi enregistré dans le devis, en toute transparence. Ainsi, ce devis, en levant le voile sur les honoraires perçus par les chirurgiens-dentistes, constitue aux yeux de l’UNECD un gage de transparence.

Enfin, l’UNECD s’associe pleinement à l’Ordre National des Chirurgiens-Dentistes dans son opposition à la dissociation de l’acte prothétique en ceci que la proposition de l’IGF heurte le secret médical (le prothésiste n’est pas un professionnel de santé) et pose la question fondamentale de la protection du patient, le chirurgien-dentiste engageant aujourd’hui seul, et lui seul, sa responsabilité médicale.

Capacité d’évocation et de ré-formation de l’Autorité de la concurrence sur les révisions des tarifs réglementés. Prévoir une révision au moins quinquennale des tarifs

Sans vouloir se positionner strictement sur l’opportunité d’intervention de l’Autorité de la concurrence sur les révisions des tarifs réglementés, l’UNECD souhaite toutefois rappeler quelques faits.

Comme le note très justement le rapport de l’IGF, « l’intérêt général veut qu’un tarif réglementé soit conçu pour rémunérer les coûts assumés par le professionnel augmentés d’une marge raisonnable, fondée sur la qualification ou la prise de risque des professionnels. » L’UNECD rappelle que dans le domaine de la santé, ces tarifs réglementés sont appelés « tarifs opposables » et ouvrent droit à un remboursement du patient par l’assurance-maladie obligatoire. Ce remboursement par l’assurance maladie obligatoire se fait à hauteur de 70% en ce qui concerne les actes opposables réalisés par les chirurgien-dentistes tels que les soins de prévention, les soins conservateurs et les actes chirurgicaux.

Il est de l’opinion de l’UNECD que l’opposabilité a pour effet d’empêcher la création d’un système de santé à deux vitesses car le même tarif doit être pratiqué par tous les chirurgiens-dentistes et tous les patients sont remboursés sur la même base par l’assurance maladie.

Toutefois, il convient de noter que le tarif opposable de chaque acte remboursable est examiné lors des négociations conventionnelles (entre les chirurgiens-dentistes et l’assurance maladie obligatoire) avec un objectif de maîtrise des dépenses de santé qui est décidé au sein de la gouvernance de l’assurance maladie. Ceci a pour effet de maintenir à un niveau artificiellement bas les tarifs opposables des actes conservateurs et chirurgicaux, souvent en dessous du seuil de rentabilité.

L’UNECD considère donc que le nouveau devis conventionnel est aussi un levier de pédagogie pour attirer l’attention du patient et des décideurs politiques sur ce déséquilibre tarifaire qui conduit à « rechercher une compensation par une augmentation des honoraires perçus sur les soins prothétiques » (rapport IGF), renchérissant ainsi contre la volonté des chirurgiens-dentistes le coût des soins prothétiques pour le patient.

L’UNECD se réjouit donc que l’IGF reconnaisse la nécessaire révision au moins quinquennale des tarifs opposables qui, pour la plupart, n’ont pas été ré-évalués depuis les années 1970 alors que les coûts des biomatériaux, des plateaux techniques et de la formation professionnelle n’ont cessé d’augmenter dans le même temps.

L’UNECD souhaite rappeler le déséquilibre qu’il existe dans le système de santé français. En effet, notre modèle social est orienté vers le soin curatif alors que les approches de prévention, primaire et secondaire, ont fait la preuve de leur efficacité et de leur faible coût comme le note la Fédération Dentaire Internationale dans sa stratégie à l’horizon 2020 : « Vision 2020 » ; les données européennes supportent même un coût 6 à 7 fois moindre des approches modernes de prévention par rapport aux approches curatives traditionnelles.

Enfin, L’UNECD est très inquiète à l’annonce de la suspension du programme « M’T Dents », seul programme de prévention en santé bucco-dentaire jusque-là ouvert à tous les enfants entre 6 et 18 ans. Le gouvernement vient en effet d’en supprimer le budget pour trois ans. L’UNECD rappelle que ces interventions en milieu scolaire ont porté leurs fruits car le nombre de caries par enfant a été divisé par trois depuis 1987 passant de 4,2 à 1,2 pour les enfants de 12 ans. Prendre le risque de supprimer ce cadre de prévention auprès des jeunes, qui constitue un pilier fondateur des mesures de santé publique, que l’UNECD ne cesse de mettre en valeur, aura un coût social bien plus important que les économies de cette mesure ne saurait générer.

Ouverture sans restriction du capital aux non professionnels

L’UNECD s’alarme de la proposition de l’IGF et rejoint le communiqué de presse de l’Ordre National des Chirurgiens-Dentistes en ce que «L’indépendance professionnelle, la qualité et la sécurité des soins sont incompatibles avec les exigences de retour sur investissements qui seront inévitablement exprimées par les apporteurs de capitaux. »

Les soins reçus par les patients ne sauraient être dictés par une logique de rentabilité écrasante telle qu’elle sera souhaitée par les investisseurs extérieurs, notamment étrangers. En outre, l’UNECD estime qu’il est légitime de craindre des comportements vautours des financiers étrangers, par exemple des fonds spéculatifs internationaux. Ceci entraînerait une chute drastique de la qualité des soins dans la recherche de la réduction des coûts tous azimuts, ouvrant ainsi la brèche à un système médical à deux vitesses : des centres low-cost pour la majorité de la population et une pratique libérale de haute valeur ajoutée pour les quelques patients fortunés qui auraient les moyens d’y accéder.

Autorisation, sans restriction, aux professionnels, d’investir dans plusieurs structures d’exercice, sauf interdictions motivées

La vision traditionnelle de l’exercice médical libéral est celle d’un professionnel de santé de qualification spécifique réalisant une action de haute valeur ajoutée intellectuelle dont la qualité est d’autant plus élevée que la structure d’exercice est peu nombreuse.

Pourtant, comme le note le rapport de l’IGF et comme le vit quotidiennement la majorité des 40 000 chirurgiens-dentistes français en activité, l’exercice libéral n’a jamais exclu :

– que le chirurgien-dentiste ait à assumer des responsabilités de gestion (recrutement des personnels, investissements dans un plateau technique, formation professionnelle continue, etc.)

– qu’il existe un intérêt clinique au travail collectif des chirurgiens-dentistes, au sein de structures associées, accroissant la qualité des soins dont bénéficient les patients grâce à la proximité de compétences complémentaires

Ainsi, l’UNECD s’associe aux conclusions du rapport de l’IGF qui « n’identifie que des avantages à ce que les professionnels libéraux de santé puissent détenir un nombre non restreint de sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice de leur profession. »

Il est de l’opinion de l’UNECD qu’une telle réforme aura pour effet :

– d’offrir la possibilité à la profession de chirurgien-dentiste de développer ses activités grâce à ses savoir-faire propres

– de créer de plus grandes facilités d’investissement pour les chirurgiens-dentistes tout en empêchant (ou limitant) l’entrée au capital d’acteurs financiers dont les exigences de retour sur investissement important sont incompatibles avec l’indépendance professionnelle, la qualité et la sécurité des soins et mettent en danger le droit du patient au secret médical

– d’accroître la qualité des soins dont bénéficient les patients grâce à la proximité de compétences complémentaires de plusieurs chirurgiens-dentistes

Accroissement des pouvoirs d’investigation, de suspension, de radiation de l’ordre des chirurgiens-dentistes

L’UNECD ne peut que souscrire à cette proposition de bon sens visant à étendre les pouvoirs de l’organe régulateur de la profession de chirurgien-dentiste. Cela va permettre de s’assurer que les meilleurs soins seront proposés aux patients par les chirurgiens- dentistes français en toute circonstance et que les meilleures règles déontologiques seront respectées en tout lieu.

L’UNECD souhaite attirer tout particulièrement l’attention de l’Ordre National et des organes régulateurs de la santé publique française sur les pratiques anti-déontologiques, anti-confraternelles et les épisodes malheureux de sur-traitement décrits dans les centres dentaires low-cost, centres qui fleurissent partout sur le territoire national et ciblent particulièrement les personnes les plus vulnérables.

Source : http://unecd.com/position-de-lunecd-concernant-le-rapport-de-ligf-sur-les-professions-reglementees-et-le-projet-de-loi-macron-associe/