Logiciel et dispositif médical: une “petite révolution” réglementaire européenne à anticiper

Moins d’un an. C’est le temps restant aux éditeurs de logiciels à visée médicale pour se préparer à l’entrée en vigueur du règlement européen 2017/745 relatif aux DM, qui acte une révision complète des règles européennes en la matière.

D’une façon générale pour l’ensemble des fabricants de DM, le texte adopté par le Parlement et la Commission européenne renforce la surveillance et les procédures de certification. Il oblige notamment les fabricants à mener des essais cliniques pour prouver la sécurité des produits à haut risque, prévoit des inspections aléatoires des industriels après la mise sur le marché, et acte la mise en place d’un identifiant unique des DM.

Si elle s’adresse à tout fabricant de DM, la réglementation comporte d’importantes nouveautés pour le secteur spécifique de l’informatique médicale par rapport à la directive 93/42 actuellement en vigueur.

Pour preuve, le terme “logiciel” apparaît 50 fois dans le règlement, contre seulement 7 mentions dans la directive, déjà modifiée en 2010 pour mieux prendre en compte l’émergence de l’informatique dans les DM.

Avec le règlement, deux “modifications notables” pour les éditeurs ont été soulignées par Cécile Vaugelade, directrice technico-réglementaire du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem): “une explicitation et une augmentation des exigences de sécurité et de performance spécifiques aux logiciels” détaillées dans la première annexe du règlement (voir encadré ci-dessous), et une révision de la classification des DM, qui se base sur le niveau de risque estimé (règle 11).

Selon le règlement, tout logiciel destiné à “fournir des informations utilisées pour prendre des décisions à des fins thérapeutiques ou diagnostiques” relève de la classe IIa.

Si les décisions prises à partir des informations du logiciel sont susceptibles de causer “une grave détérioration de l’état de santé d’une personne ou une intervention chirurgicale”, l’outil intégrera la classe IIb. Si les conséquences possibles sont “la mort ou une détérioration irréversible de l’état de santé”, le logiciel sera classé III.

Le règlement précise que tous les autres logiciels relèvent de la classe I. Les logiciels ayant trait au mode de vie ou au bien-être, ou ceux “destinés à des usages généraux” comme les outils de bureautique, même lorsqu’ils sont utilisés dans un environnement de soins, ne sont pas considérés comme des DM.

Ce changement des règles de classification est “le plus important” pour “beaucoup d’éditeurs”, dont les produits sont en classe I et vont passer, sous l’effet du règlement, à des classes supérieures et seront donc soumis à des contraintes plus fortes en matière de certification, a noté Cécile Vaugelade.

S’adresser à un organisme notifié

Il s’agit d’une “petite révolution” pour les éditeurs, a confirmé Guillaume Promé, consultant spécialisé dans les DM et gérant du cabinet de conseil Qualitiso, contacté par TICpharma. “Jusqu’ici, ces entreprises montaient leur dossier dans leur coin avec une forme d’auto-certification. Maintenant, il va falloir démontrer sa conformité à un organisme notifié, qui procèdera à des vérifications”, a-t-il relevé.

Selon lui, la nouvelle réglementation révèle une “peur du logiciel” qu’il a qualifiée de “choquante, voire catastrophique”. “Dès que le logiciel a un peu d’ambition, il passe en classe IIa, même s’il n’est pas dangereux”, a-t-il déploré.

Cyrille Michaud, directeur associé de la société MD101 Consulting, a pointé la “problématique de temps et de coût” qui va naître de ces obligations de certification auprès d’un organisme notifié.

“Il faut monter un dossier technique, affecter des personnes au sujet en interne, mettre en place un système de management de la qualité, s’adresser à un organisme notifié et régler les coûts de certification d’environ 15.000 euros”, a-t-il expliqué, estimant que la procédure peut durer “entre six mois et un an et demi”. D’où l’importance pour les éditeurs d’anticiper dès maintenant l’entrée en vigueur du règlement en mai 2020.

D’autant qu'”une des premières contraintes” est de trouver l’organisme notifié chargé de la certification, a ajouté Cécile Vaugelade du Snitem. “Il est très difficile pour un nouveau fabricant de trouver un organisme notifié, compte tenu de la diminution de leur nombre et du passage au nouveau règlement, qui exige une renotification de ces organismes et donc un travail de mise à jour important”, a-t-elle estimé.

Un large périmètre de logiciels concernés

Pour entrer dans le champ des DM, le logiciel doit être utilisé à des fins médicales, donner un résultat propre à un patient et effectuer une action sur des données entrantes.

Cette définition a été précisée dans une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) fin 2017, lorsque cette dernière a estimé que les logiciels d’aide à la prescription (LAP) constituaient des DM.

En recoupant le règlement européen et la décision de la CJUE, on aboutit à un large périmètre de logiciels concernés, allant de certaines fonctionnalités des dossiers patients informatisés (DPI), propres par exemple à la prescription ou à la dispensation de médicaments, aux outils de télésurveillance générant des alertes aux professionnels de santé.

 

https://www.ticpharma.com/story/983/logiciel-et-dispositif-medical-une-petite-revolution-reglementaire-europeenne-a-anticiper.html