Installations en zone rurale : les dentistes serrent les dents

Les dentistes sont de moins en moins nombreux dans les campagnes de l’Aisne. Leur président, Bernard Duchaussois, installé à Guignicourt, fait la grimace.

Bernard Duchaussois, de Guignicourt, estime qu’il y a 220 chirurgiens dentistes dans l’Aisne.

«Je suis vraiment inquiet pour l’avenir des chirurgiens dentistes ruraux. Il y a quelques années, un patient pouvait trouver dans l’Aisne un dentiste à 7 km. Maintenant, il lui faut souvent parcourir 20 km », constate Bernard Duchaussois, 52 ans.

Installé à Guignicourt depuis 1980, le président du syndicat des chirurgiens dentistes de l’Aisne sait manier les chiffres pour remporter l’adhésion. Il faut un dentiste pour 1.500 habitants, mais en 2002, il y en avait un dans l’Aisne pour 2.364 habitants et la tendance est restée identique l’an dernier.
« Il y a eu beaucoup de départs à la retraite sans reprise d’activité. La féminisation de la profession se traduit plutôt par une activité dans les villes, certainement pour pouvoir disposer des services urbains », note le chirurgien. Résultat, les campagnes se désertifient en professionnels.
Cette observation inquiète également Jean-François Seret, chirurgien dentiste à Hirson : « C’est vrai que les gens s’installent dans le sud plutôt que dans le nord et plutôt en ville qu’à la campagne ».
En faculté dentaire, les étudiantes sont aujourd’hui aussi nombreuses que les étudiants. Les femmes parviennent désormais à être omniprésentes dans certaines catégories d’âge, 67 % pour les 26 à 30 ans dans l’Aisne et restent nombreuses ailleurs, 38 % pour les 31 à 35 ans.
Les regroupements plus nombreux
Dans le département, cet examen de la pyramide d’âge (tous sexes confondus) ne plaide pas pour un excès d’optimisme. Les 46 à 50 ans forment 28 % et les 51 à 55 ans, 14 % des dentistes en activité.
Avec des études d’une durée de six ans, pas de solution rapide à ce problème. Bernard Duchaussois remarque que beaucoup de personnes relèvent de la couverture maladie universelle dans l’Aisne en raison de leur situation de précarité. « Les tarifs sont imposés et non valorisés depuis 1999. Ils conduisent à des situations difficiles à gérer », observe-t-il. Avec le régime de la CMU, une couronne est ainsi facturée 198 € pour 260 € normalement.
Le coût des plateaux techniques favorise, sans nul doute, les regroupements, afin d’assumer plus facilement la charge financière et réduit donc le nombre des installations. Résultat, Bernard Duchaussois, qui travaillait seul à Guignicourt depuis 1980, s’associe cette année avec un autre confrère.
Ces constats sont partagés par la confédération nationale des syndicats dentaires. Dans un communiqué, elle estime qu’il faut former rapidement des promotions de 1.300 jeunes par an au lieu de 930 actuellement et souhaite la prise en charge sur fonds publics des études des futurs praticiens s’engageant à travailler en zone sensible.
Les gardes restent un problème complexe. Le département est séparé en trois secteurs, le centre, le nord et le sud avec, chaque fin de semaine, un professionnel de permanence. Mais là encore, les distances à parcourir, en cas de besoin, peuvent être importantes. Elles peuvent atteindre 80 km, aller et retour. Pour une personne victime d’une rage de dents, la démarche n’apparaît pas évidente.
Malgré ces indicateurs pouvant engendrer la morosité en ce début d’année, le président des dentistes axonais, originaire de Vic-sur-Aisne, reste heureux d’exercer son métier : « Il y a les aspects médicaux, manuels et relationnels que j’apprécie ».
T. de L.