Comment exercerons nous dans le futur ?

Avec l’intrusion du numérique et des nouvelles technologies le métier de chirurgien dentiste est en train d’être profondément bouleversé. En évoquant l’idée de “Disruption Numérique”, le récent “Livre Blanc” de la santé bucco-dentaire dessine les contour de ce que pourrait être notre future façon d’ exercer notre profession.

Impossible d’ignorer les transformations que va engendrer la révolution numérique. Les bouleversements attendus seront globaux; organisation du cabinet, évolution du diagnostic, des traitements, de la communication et de la relation avec les patients, etc. À l’instar de nombreux secteurs, une véritable disruption numérique est en marche.
Chercher à la ralentir n’est pas la solution; il faut au contraire l’accompagner en prévoyant des garde-fous pour préserver l’intérêt supérieur: la santé du patient. Que faut-il entendre par «futur»ou«futurisme»? Certaines technologies«du futur» existent déjà, telle l’empreinte optique ou la CFAO (Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur).
Les vrais concepts avant-gardistes«futuristes» sont la robotique, les «bigdata», l’utilisation de l’ADN. Ce sont eux qui vont impacter fortement la profession; dès lors, plutôt que d’évoquer une simple évolution, c’est bien d’une réelle transformation du métier dont il s’agit.Cette «révolution» va s’accélérer dans les années à venir sous l’effet de bouleversements non seulement technologiques, mais aussi démo-graphiques et réglementaires.Parler «du» cabinet du futur peut être trompeur; mieux vaut parler «des»cabinets du futur car à l’avenir différents modèles coexisteront, avec des formes différentes selon l’implantation dans de grands centres urbains ou dans des zones rurales.

LE FUTUR RÔLE DU CHIRURGIEN-DENTISTE

Il est difficile de parler du cabinet dentaire du futur sans évoquer, en premier lieu, le chirurgien-dentiste du futur. Les progrès de la robotique et de l’intelligence artificielle vont à coup sûr transformer son rôle. D’ici 25 ans, les systèmes-experts d’aide au diagnostic et à la prescription devraient se généraliser. Certains annoncent même l’arrivée de machines plus «sachantes» et plus performantes que l’homme, ce qui amènerait, demain, les patients à préférer être soignés par elles, une fois la preuve de leur efficacité démontrée. La partie strictement technique du métier étant prise en charge par la machine, le chirurgien-dentiste de demain se concentrera sur l’évolution des comportements et l’accompagnement des patients dans la durée. Moins technicien mais maîtrisant la technique,plus psychologue, il sera là pour contrôler, expliquer, motiver, rassurer et accompagner.Il aura un rôle fondamental dans l’éducation à la santé.

LE CABINET DE GROUPE AVECPLUSIEURS CHIRURGIENS-DENTISTES
Dans quels types de structures le chirurgien-dentiste exercera-t-il son nouveau rôle? Deux modèles semblent nettement se dégager;le cabinet de groupe réunissant plusieurs praticiens sur un même site, et le cabinet individuel connecté à un réseau.
Aujourd’hui, une majorité de chirurgiens-dentistes exerce seul. Parfois, certains exercent sans assistant dentaire ni secrétaire, et avec peu de connaissance du fonctionnement d’une entreprise. Cette carence entrepreneuriale se retrouve dans d’autres professions médicales,mais dans le monde dentaire, au regard de l’importance des investissements nécessaires, elle est particulièrement préoccupante.On évalue ces investissements à 320000€en moyenne pour un cabinet individuel,400000€pour un cabinet de deux praticiens, et 450000€pour trois praticiens.Ne serait-ce que de ce seul point de vue économique, le regroupement est intéressant.

ÉCONOMIE ET CONFORT
L’évolution fait que les plateaux techniques seront de plus en plus onéreux: au coût du local, du fauteuil (30 000€ en moyenne), de la chaîne de stérilisation(20000€en comptant le mobilier), des dispositifs de radiologie (au moins 20000€), des logiciels, il faudra bientôt ajouter par exemple un scan ADN, un analyseur salivaire, une prise d’empreinte optique (40 000 à 50 000€), des outils de CFAO, etc. La facture va s’alourdir considérablement, incitant les praticiens à se regrouper.Le financement n’est pas la seule motivation; travailler en groupe offre égale-ment plus de confort, de souplesse et de liberté dans la gestion du temps.Ce sont autant de points très importants pour les jeunes générations qui se rendent compte que, seules, il leur est impossible de tout faire; soigner, faire de la prévention, intervenir à l’extérieur,éventuellement enseigner, etc. L’organisation du cabinet elle-même s’en trouve optimisée; à plusieurs on peut engager des secrétaires, des prothésistes dentaires, des assistants dentaires dont certains particulièrement formés à l’hygiène bucco-dentaire, voire peut-être comme dans certains pays d’Europe ou au Québec, des hygiénistes.
Véritable TPE, le cabinet de groupe peut compléter un ensemble plus large ras-semblant d’autres professionnels de santé (médecins, infirmiers, etc.), organisé comme un GIE (Groupement d’Intérêt Économique) au sein duquel les diverses responsabilités (administratives, comptables, financières) sont bien réparties


LA CONNEXION EN RÉSEAU DE CHIRURGIENS DENTISTES INDÉPENDANTS

L’alternative au cabinet de groupe est la structure en réseau reliant des chirurgiens-dentistes indépendants connectés entre eux et avec d’autres professionnels de santé. Un mode d’organisation tout à fait pertinent d’un point de vue médical tant les interactions entre la santé de la bouche et la santé générale sont évidentes, à condition toutefois d’imaginer un par-cours de soin offrant sa juste place au bucco-dentaire. Dans ce schéma, le chirurgien-dentiste pourrait jouer le rôle d’organisateur de la chaîne de soins; il suffirait ensuite de définir les offres complémentaires à proposer, avec les
praticiens adéquats pour les dispenser.


L’ÉQUIPE DENTAIRE DU FUTUR

Cabinets de groupe, réseau de cabinets indépendants, … Quelle que soit la formule, la notion d’équipe dentaire tend à s’imposer.Des métiers «nouveaux»pourront venir s’y greffer,tel l’ingénieur en santé, … Le cabinet dentaire «du futur» sera un lieu où de multiples compétences pourront s’exprimer pleinement.
Reste à fixer les limites des délégations de tâches qui lui permettraient de consacrer plus de temps à des soins plus complexes.


L’ESPACE-TEMPS DU CHIRURGIEN-DENTISTE DANS L’AVENIR

La mutualisation des compétences apparaît comme une tendance forte,d’au-tant qu’elle pourra prendre différentes formes; en plus de son cabinet, le chirurgien-dentiste de demain aura la possibilité d’exercer également à l’hôpital, dans un cabinet spécialisé, chez un pneumologue pour apporter sa compétence dans le traitement de l’apnée du sommeil, … Dans le futur, la mobilité d’exercice pourrait prendre de l’ampleur. La profession connaîtra également une mutation de sa temporalité. Le chirurgien-dentiste sera amené à assurer la continuité de la prise en charge de son patient, même en dehors du cabinet. Les technologies numériques l’y aident déjà; le virtuel (e-mails, réseaux sociaux,télémédecine, …) change la nature de la relation. Demain, des objets connectés telle une puce placée sur une dent permettront de générer des alertes à distance ; une téléconsultation suffira alors pour décider de la venue éventuelle du patient au cabinet. Innovation particulièrement intéressante pour les patients isolés ou pouvant difficilement se déplacer (personnes âgées en EHPAD ou personnes en situation de handicap, …).Le cabinet du futur ne sera pas simplement un lieu «physique».


L’ÉVOLUTION DE LA FORMATION

La formation des chirurgiens-dentistes va devoir s’adapter. Il faudra établir des passerelles entre la formation des étudiants en odontologie et celle des autres membres de l’équipe dentaire.
L’idée étant de former ensemble des personnes qui seront amenés à travailler en équipe; c’est tout l’intérêt d’un tronc commun en formation initiale. Il faudra également mieux préparer les étudiants aux domaines qui deviendront essentiels à l’avenir (psychologie, communication, éducation thérapeutique, …).
Enfin, dans la perspective du développe-ment des cabinets de groupe, une formation à la gestion d’entreprise deviendra indispensable. Pas question pour autant de transformer les chirurgiens-dentistes en «DRH d’entreprises dentaires» pour reprendre les termes d’un participant…Mais simplement d’inculquer aux étudiants les notions de management,d’organisation, de travail en réseau,dont ils auront besoin dans leur exercice futur.

Lire le livre blanc complet en pdf : http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/fileadmin/user_upload/pdf/news/livre_blanc_7juin.pdf