Le traitement chirurgical des poches parodontales résiduelles

Le but ultime des thérapeutiques parodontales est de prévenir la progression de la maladie afin de réduire le risque de perte des dents et de restaurer les tissus qui ont été perdu à la suite de la parodontite.
Ces objectifs peuvent souvent être atteint grâce à un certain nombre de thérapeutiques, comprenant à la fois des thérapeutiques non chirurgicales et d’autres chirurgicales, qui visent à arrêter la progression de la perte d’attache, réduire les profondeurs de poches et de contrôler les facteurs de risque systémiques et locaux associés à la maladie parodontale.
Alors que les thérapeutiques non chirurgicales réussissent souvent à un contrôle de la maladie parodontale, les traitements chirurgicaux sont souvent considérés comme la phase suivante du traitement. Les principaux objectifs de la chirurgie sont de créer un accès pour permettre un surfaçage radiculaire optimal et d’établir une morphologie gingivale qui facilite le contrôle de l’infection par le patient.
Ceci est atteint par un meilleur accès aux surfaces radiculaires impliquées, en corrigeant l’anatomie parodontale, voir en reconstruisant, et si possible en régénérant, les tissus (parodontaux) perdus. Cependant, le processus décisionnel et les indications pour un traitement parodontale chirurgicale n’ont pas encore été entièrement clarifié.
Il y a plus de vingt ans, il a été préconisé la « profondeur critique de sondage », définie comme un seuil (en mm) sous lequel le traitement peut ne pas être bénéfique.
En effet, alors qu’un traitement parodontal non chirurgical est indiqué pour des poches parodontales associées à du tartre supra et sous gingival, des saignements au sondage et un contrôle de plaque inadéquat de la part du patient, le traitement chirurgical est souvent uniquement recommandé pour les poches résiduelles. Le but de cette revue était donc d’évaluer les connaissances disponibles sur les indications et la performance du traitement chirurgical des poches résiduelles en termes du point de vue clinique et du point de vue du patient.

La poche parodontale résiduelle : effet sur la progression de la maladie

Il a été prouvé que le traitement non chirurgical parodontal réduit un taux important de la maladie parodontale.
Néanmoins, un certain nombre de poches parodontales, défini comme « résiduel », reste souvent après un traitement non chirurgical. La présence de poches résiduelles peut compromettre la survie des dents et être un facteur déterminant de la progression de la maladie et finalement de la perte des dents. Le workshop de 1996, a réalisé une revue de la littérature scientifique traitant du diagnostic parodontal publié entre 1989 et 1995. Il a été étudié, les criteres diagnostiques susceptibles d’avoir une importance significative dans l’identification des patients présentant un risque de progression de la maladie après traitement. Il a été conclu qu’une profondeur résiduelle de poche ≥ 6 mm a un rapport de 10 pour la progression de la maladie parodontale.
L’association entre poches résiduelles et d’autres paramètres cliniques, tels que le score de plaque, le saignement au sondage ou encore la réponse au traitement parodontal initial, a été étudié pour décrire avec plus de précision le risque de perte d’attache supplémentaire et la perte de dents. Malgré l’efficacité des traitements chirurgicaux et des seances de maintenance, certains patients peuvent toujours présenter une progression de la maladie et de la perte de dents sur un certain nombre d’années. Tonetti et al. (89), dans une étude rétrospective sur 273 patients participant à des séances de maintenance parodontale, ont signalé une incidence globale de perte dentaire de 0,23 à 0,49 dents par patient par an. Fait intéressant, une sous-population de sujets, présentant 10 poches résiduelles ou plus avec profondeur de poche ≥ 4-5 mm et saignement au sondage, une incidence de perte de dents de 0,37 à 0,81 dents par patient et par an a été observé. Dans une cohorte rétrospective sur 172 patients avec un suivi moyen de 11 ans, l’importance des poches résiduelles comme paramètre prédictif pour la progression de la maladie parodontale a été étudiées (56). Tous les patients avaient précédemment reçu la phase initiale du traitement et des séances de maintenance régulière ont été programmées. Les auteurs ont observé que le nombre de poches parodontales résiduelles augmentes pendant la maintenance parodontale, et les valeurs de profondeur de poche ont augmenté de manière incrémentielle, de même le nombre de pertes de dents. Plus précisément, une profondeur de poche de 5 mm représente un facteur de risque de perte de dents, avec odds ratios de 5,8. Les auteurs ont conclu qu’au niveau du patient, le tabagisme important, le diagnostic initial, la durée du traitement parodontal et la profondeur de poche de ≥ 6 mm étaient tous des facteurs de risque de progression de la maladie. Fait intéressant, il a été observé que chez les sujets recevant un traitement parodontal de maintenance <10 ans, une profondeur de poche ≥ 7 mm était associé à un risque significativement plus élevé de perte de dents, chez les sujets recevant traitement parodontal de maintenance pendant 10 ans ou plus, une profondeur de poche de sondage de 5 mm était significativement associée à la perte de dents. Ainsi, dans l’ensemble, il existe des preuves substantielles qu’un site résiduel avec profondeur de poche de ≥ 6 mm représente un vrai facteur de risque pour la progression de la maladie parodontale et la perte des dents. L’objectif du traitement parodontal devrait être la fermeture / élimination des sites avec profondeur de la poche de sondage ≥ 5 mm. Indications pour le traitement chirurgical de poches résiduelles : Poches résiduelles : Retraitement non chirurgicale ou traitement chirurgical ? En raison du manque de littérature sur les poches résiduelles, il est difficile d’établir pour quel patient ou pour quelles poches il faut reprendre un traitement non chirurgical (avec ou sans antibiotiques locaux) ou chirurgicale. Serino et al. (79), alloues aléatoirement 64 patients qui avaient déjà été traités non chirurgicalement, et présentent des poches résiduelles profondes (> 6 mm), dans deux groupes : un groupe traite chirurgicalement et un groupe retraité non chirurgical. Tous les patients ont bénéficié de séance de maintenance minutieuse trois à quatre fois par an et suivi pendant 13 ans.
Les deux groupes présentaient des normes élevées d’hygiène bucco-dentaire tout au long de la période de suivi de 13 ans, en maintenant des scores de plaque inférieurs à 15%. Les données indiquent que le traitement non chirurgical entraîne un pourcentage plus élevé de poches résiduelles, tandis que le traitement chirurgical démontre une meilleure performance en termes de fermeture de poche.
Tomasi et al. (86), ont conclu que la présence de plaque sur un seul site avait un impact négatif significatif sur le résultat. De plus, la présence d’une atteinte de furcation (degré 2 ou 3) sur les sites molaires, et tous les sites associés à la présence d’un défaut osseux angulaire, a montré des résultats nettement plus mauvais au traitement. En ce qui concerne les molaires présentant une atteinte de furcation, l’analyse révéle que l’application d’adjuvant de doxycycline n’a pas eu d’effet significatif, pas plus que la plaque, l’âge ou le sexe. Les résultats de cette étude montrer que la profondeur de poche de sondage verticale initiale et le degré d’atteinte initiale de la furcation étaient des facteurs significatifs, et que le tabagisme est un facteur négatif significatif (87).
Conclusion / suggestions de traitement :
Il existe des preuves significatives pour soutenir l’idée que des poches résiduelles de ≥ 5 mm après un traitement non chirurgical représentent un facteur de risque pour la progression de la maladie et la perte des dents et constituent donc une indication claire pour la chirurgie parodontale.
Des poches résiduelles de 4, 5, 6 mm ou plus sont une indication claire pour une chirurgie parodontale (10, 11, 50, 56, 89).
Un retraitement non chirurgical peut être tenté en présence de poches de profondeur modérée a l’exception du secteur molaire ou des zones de furcation (86).
Plus précisément :
• Profondeur de poche ≤ 4 mm : De nombreuses études ont évalué l’effet de la chirurgie sur des site peu profond (profondeur de poche de sondage <4 mm) et a conclu qu’une approche chirurgicale a créé une perte d’attachement clinique et, surtout, des récessions gingivales (45, 46, 61). Par conséquent, des poches ≤ 4 mm ne représente pas indication pour la chirurgie.
L’approche thérapeutique non chirurgicale semble être plus appropriée.
• Profondeur de la poche ≥ 5 mm. Un certain nombre d’études ont suggéré qu’une profondeur de poche ≥ 5 mm est une indication claire pour une intervention chirurgicale (45, 48, 86, 87).
• Profondeur de la poche ≥ 6 mm : les poches ≥ 6 mm sont le seuil pour le traitement chirurgical des parodontales poches (41). De nombreux auteurs conviennent que la chirurgie de lésions profondes permettrait gagner plus en termes de réduction de profondeur de poche par rapport à une approche non chirurgicale. Ceci est en accord avec d’autres études sur des poches plus profondes (79).

Performance de la chirurgie sur les poches résiduelles
-Effet de la chirurgie parodontale conservatrice sur les poches résiduelles :
L’’élimination de poches, est définie comme la réduction de la profondeur de poche aux niveaux deu sulcus gingival, qui est considéré comme l’un des principaux objectifs de la thérapie parodontale. Cette procédure est essentielle en raison de la nécessité d’améliorer l’accessibilité aux surfaces radiculaires et pour le patient pendant la période de maintenance parodontale et pour l’hygiène buccodentaire (97).
-Effet de la chirurgie parodontale conservatrice sur le microbiote parodontal :
Idéalement le traitement parodontal doit pouvoir diminuer le nombre de pathogènes parodontales, tout en maintenant ou rétablissant les espèces compatibles avec la santé parodontale.
Le traitement non chirurgical est capable de diminuer drastiquement la masse du biofilm sous gingival, même si l’éradication complète de bactéries pathogènes ne peut être obtenue dans les poches profondes.
Plusieurs études (Heitz-Mayfield 2013, Levy 1999, Mombelli 2000) montrent que le traitement chirurgical des poches parodontales résiduelles est capable de modifier leur composition microbiologique, la rendant compatible avec la sante parodontale.

Les facteurs affectants le degré d’élimination/fermeture/réduction des poches :

– Les facteurs liés aux patients :
Les modes de vie du patient ou encore les habitudes d’hygiène orales peuvent être des facteurs de risque de la détérioration parodontal (Genco 2013). Ces facteurs doivent être contrôlé dès le début de la prise en charge parodontale.
 Le contrôle de plaque :
Il est clairement démontré qu’un contrôle de plaque post op est déterminant pour le succès du traitement non chirurgical comme chirurgical.
 Le tabagisme :
Il s’agit d’un facteur de risque majeur de progression de la maladie parodontale. La littérature montre un odd ratio de 2-8 chez les fumeur (Jonhsson 2007).
Le tabagisme va être responsable de :
– Une altération de la réponse immunitaire ;
– Modification de la survie et la fonction des cellules polymorphonucleaires ;
– Reduction du niveau des IgG ;
– Vasoconstriction locale ;
– Une incidence plus importante des bactéries du complexe rouge.
Les résultats sont moins bon chez les fumeurs lors de traitement chirurgicaux (Preber 1990). Une revue de la littérature de 2012 montre que la cigarette à un impact négatif significatif sur la régénération osseuse après traitement parodontale.

– Facteurs liés au défaut :
Initialement les défauts osseux ont été classés en défauts à 1, 2 ou 3 parois, en fonction du nombre de parois résiduelles. Souvent il est fréquent de rencontrer des anatomies de défauts bien plus complexes, avec des défauts à 3 parois en position apicale, mais à 1 ou 2 parois en position plus coronaire. Le nombre de parois résiduels est un facteur de succès de la régénération osseuse. Il est également suggéré que l’augmentation de l’angulation du défaut osseux à un impact négatif sur le régentation osseuse.
– Facteurs liés au praticien :
Même si les différences individuelles entre les praticiens semblent être difficile à analyser, l’influence de la compétence et du degré d’expérience apparait être un facteur important dans le littérature.

Les effets du traitement parodontale du point de vue du patient :

Les résultats du point de vue du patient sont subjectifs.
Un workshop de 2003 établi le résultat dans les yeux du patient comme étant un point important, d’autant plus qu’il peut être diffèrent de celui du praticien.
Un grand nombre d’études confirme la relation entre la maladie parodontale et la qualité de vie du patient. Récemment Bernbé et Marcenes (2010) ont démontré l’existence d’une corrélation entre l’aggravation de la maladie parodontale et la qualité de vie du patient.
Une revue de littérature de 2012 montre une amélioration significative de la qualité de vie du patient après un traitement non chirurgicale. Un traitement chirurgical aura aussi un impact positif, mais dans de moindre proportion. Les auteurs concluent qu’un traitement chirurgical améliore modérément la qualité de vie du patient à cours (1 semaine) comme à long terme (1an). L’apport du traitement chirurgical à ce niveau serait moins important que le traitement non chirurgical.

Effets d’un traitement parodontale chirurgical sur la santé générale :
Le lien entre parodontie et santé générale doit encore être éclaircis. Un certain nombre d’études conclues que les patients présentant une parodontite montrent une augmentation des marqueurs de l’inflammation dans la circulation sanguine générale. Certaines études montrent clairement l’impact du traitement non chirurgical sur la présence de certains biomarqueurs au niveau de la circulation sanguine, mais un manque d’études persiste au niveau chirurgical.
Seul 1 étude montre l’impact d’un traitement non chirurgical et chirurgical sur les marqueurs sanguin de l’inflammation (Graziani 2010). Les auteurs concluent qu’aussi bien les traitements non chirurgicaux comme chirurgicaux sont associé à un passage de parqueurs inflammatoire dans la circulation sanguine, pouvant avoir une incidence sur la survenue de problèmes vasculaires chez certains patients. Toutefois des études avec un plus grand nombre de patient inclus et avec un groupe contrôle est nécessaire pour des conclusions plus franches.

Discussion :
L’élimination et/ou la fermeture des poches a indubitablement été l’objectif majeur de la thérapie parodontale et a été rendue possible à travers des traitements non chirurgicaux et chirurgicaux. Néanmoins, les poches résiduelles sont souvent présentes et représentent une situation clinique avec la capacité de compromettre les résultats atteint et les autres sites sains.
Comme mentionné précédemment :
• Un site résiduel avec une profondeur de poche de sondage ≥ 6 mm représente un vrai facteur de risque pour la progression de la maladie et la perte des dents. Cependant, un site présentant une profondeur de poche de sondage de 5 mm est également associé à la perte de dents à long terme. L’objectif du traitement parodontal doit donc être la fermeture / l’élimination des sites de sondage avec profondeur de poche ≥ 5 mm.
• Le traitement chirurgical montre une performance plus élevée, en termes de la réduction de profondeur de poche et d’élimination des microbiotes non compatibles avec la santé parodontale, que le retraitement non chirurgical des poches résiduelles. En particulier, les poches résiduelles associées avec la présence de défauts osseux angulaires, des sites molaires et des sites de furcations, et spécialement les fumeurs, devraient être traité avec la chirurgie les retraitements non chirurgicaux se trouvant très souvent non efficaces.
• L’utilisation de différentes approches chirurgicales a été suggéré pour traiter les défauts parodontaux résiduels ;
• D’un point de vue microbiologique, les poches profondes résiduelles hébergent des espèces bactériennes en corrélation avec la maladie parodontale. Les preuves actuelles suggèrent que seule la gestion chirurgicale de ces poches résiduelles peut influencer un changement dans la composition microbiologique en vue de la rendre compatible avec la santé parodontale.
• Du point de vue du patient, les poches résiduelles représentent un motif d’altération de qualité de vie liée à la santé orale. Néanmoins, les résultats perçus par les patients ne sont que modérément modifiés par les traitements chirurgicaux ; la thérapie non chirurgicale est le traitement ou les plus grands changements sont perçus par les patients.
• Du point de vue de la santé générale, il existe un manque de preuves claires concernant l’effet de la chirurgie parodontale sur les marqueurs sanguins périphériques de l’inflammation. Cependant, les études suggèrent que la chirurgie pourrait induire une baisse de la perturbation systémique en phase aiguë par rapport au traitement non chirurgical.
Cela pourrait être dû à la plus petite extension de la zone traitée et le fait que la chirurgie est généralement effectuée lorsque le dépôt de plaque est sous contrôle, provoquant, très probablement, une bactériémie inférieure.
• Plusieurs facteurs ont été suggérés pour affecter le degré d’élimination de la poche / après une chirurgie parodontale. Les facteurs pouvant influencer les résultats des techniques chirurgicales sont les facteurs liés au patient (comme le contrôle de la plaque ou le tabagisme), les facteurs liés au défaut (tels que la morphologie, la largeur ou localisation de la poche résiduelle nécessitant un traitement) et des facteurs liés au praticien (expérience du thérapeute, choix de la technique chirurgicale).

Conclusion :

Les poches résiduelles sont associées à la progression de la maladie parodontale et la perte des dents. Le retraitement non chirurgical de ces sites s’avère souvent inefficace. Ainsi, le traitement chirurgical de poches résiduelles est une option de traitement qui ne devrait pas être sous-estimé par le clinicien. Cependant, les différences en termes de sélection du patient, du site ou de la technique, peut grandement affecter le résultat final.

Periodontol 2000. 2018 Feb;76(1):150-163. doi: 10.1111/prd.12156. Epub 2017 Nov 29.
Surgical treatment of the residual periodontal pocket.
Graziani F, Karapetsa D, Mardas N, Leow N, Donos N.